Avis au président de la République sur la responsabilité et la protection des magistrats
– COMMUNIQUÉ –
Avis au Président de la République
1. Le 17 février 2021, le président de la République a saisi le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) d’une demande d’avis, en vertu de l’article 65 de la Constitution, sur la double problématique de la responsabilité et de la protection des magistrats.
2. En réponse, le Conseil a formulé trente propositions autour de quatre objectifs : placer la déontologie au cœur de la fonction de magistrat, favoriser la détection des manquements disciplinaires, améliorer le déroulement des poursuites disciplinaires et l’échelle des sanctions et renforcer la protection personnelle et fonctionnelle des magistrats.
3. Droit souple en perpétuelle évolution, la déontologique joue un rôle préventif majeur. Si de nombreux outils ont été développés ces dernières années, d’autres restent néanmoins à créer pour :
- remédier à l’absence d’évaluation des hauts magistrats par la mise en place d’une évaluation dite « à 360° » ;
- prévenir tout risque de conflit d’intérêt lorsqu’un magistrat démissionnaire souhaite, dans un délai de cinq ans, rejoindre une activité privée en le contraignant à obtenir l’accord d’une instance de régulation ;
- octroyer à la commission d’admission des requêtes un pouvoir de rappel des obligations déontologiques afin de ne pas laisser sans réponse des comportements qui, sans être susceptibles de revêtir une qualification disciplinaire (attitude inappropriée à l’audience par exemple), participent de la perte de confiance des justiciables dans la justice.
4. L’articulation des différentes instances chargées de la poursuite et des investigations sur les manquements disciplinaires des magistrats mérite aujourd’hui d’être remodelée afin de gagner en lisibilité et en efficience. Au gré des réformes, la saisine de l’organe disciplinaire a été ouverte aux chefs de cour et à la commission d’admission des requêtes, au-delà du garde des sceaux, sans que les conséquences aient été tirées. A ce titre, il est préconisé de :
- permettre, d’une part, aux chefs de cour de saisir directement l’inspection des services judiciaires en vue d’engager une enquête administrative, d’autre part, à la commission d’admission des requêtes de procéder à des investigations en s’appuyant sur l’inspection générale de la justice ;
- créer un dispositif visant à pallier le défaut d’engagement d’une enquête administrative par le garde des sceaux, lorsque des situations ne donnent lieu à aucune investigation alors qu’ elles pourraient revêtir un caractère disciplinaire.
5. Une définition plus lisible de la faute disciplinaire est souhaitable, laquelle devrait maintenir, en l’état, la sanctuarisation de l’acte juridictionnel et être le pendant d’une formulation renouvelée du serment. Sur le plan procédural, une meilleure maîtrise des délais est nécessaire, la durée des procédures disciplinaires déstabilisant les juridictions et créant une forte insécurité pour le magistrat concerné. Le garde des sceaux devrait ainsi être tenu d’apprécier s’il exerce ou non des poursuites dans un délai de trois mois après le dépôt du rapport d’enquête administrative. L’échelle des sanctions mériterait enfin d’être rénovée pour mieux appréhender les différents manquements poursuivis. Les sanctions d’interdiction d’être nommé ou désigné dans certaines fonctions, d’exclusion temporaire d’exercice de toute fonction ou de retrait temporaire des seules fonctions juridictionnelles pourraient compléter la liste de l’article 45 de l’ordonnance statutaire.
6. Les devoirs des magistrats ne sauraient être modifiés sans que leurs droits soient corrélativement respectés et effectivement garantis. Ainsi, tout magistrat devrait pouvoir saisir le Conseil en cas d’atteinte à son indépendance. Celui-ci devrait également pouvoir se saisir d’office en pareil cas, à l’effet d’émettre toute recommandation utile. S’agissant des attaques ad hominem dont les magistrats peuvent être victimes, la meilleure prévention reste la collégialité, dont le champ n’a malheureusement eu de cesse de diminuer au cours des dernières décennies. Le dispositif de protection fonctionnelle est, par ailleurs, susceptible d’améliorations afin d’offrir un soutien rapide, solide et très performant au magistrat qui en sollicite la mise en œuvre. En complément, la Chancellerie pourrait utilement être chargée d’accomplir toutes les démarches nécessaires en vue du retrait des publications injurieuses et/ou illicites sur les réseaux sociaux.
7. Si la magistrature est au cœur d’une exigence de responsabilité, c’est parce qu’elle est perçue, non seulement comme délégataire de l’autorité de l’État et au-delà du peuple français, mais encore comme l’expression d’une exemplarité que les conditions concrètes de son exercice doivent garantir en toutes circonstances. L’exigence sociale qui vise tout spécialement le rôle et la fonction de magistrat ne peut néanmoins trouver sa pleine efficacité que si elle s’étend à tous ceux qui, par leurs fonctions, constituent des auxiliaires et des partenaires de l’œuvre de justice, tous soumis à des obligations déontologiques fortes et croissantes. Il en va du respect du justiciable tout comme du respect par le justiciable de ceux qui sont appelés en définitive et en toute indépendance à le juger.
8. Telles sont les principales propositions de l’avis adopté par la formation plénière du CSM le 1er juillet 2021 et remis au président de la République le 24 septembre 2021. Cet avis est consultable en intégralité sur le site Internet du Conseil.
9. Une conférence de presse a lieu au siège du CSM le 28 septembre à 08h30. Elle sera l’occasion d’évoquer cet avis.