Rencontre entre le CSM et les conférences des chefs de juridiction et de cour
Le mardi 22 mars 2022, le Conseil supérieur de la magistrature a reçu en réunion générale les représentants des quatre conférences des chefs de cour et de juridiction : conférences des premiers présidents et procureurs généraux de cours d’appel et des présidents et procureurs de tribunaux judiciaires.
Le Conseil est en effet un acteur clé de leur nomination avec des compétences différentes pour le siège et le parquet. Pour les premiers présidents de cour d’appel et présidents de tribunaux, il est seul compétent pour proposer un nom au président de la République. C’est donc le CSM qui publie les appels à candidature, auditionne les intéressés… Pour les procureurs généraux de cour d’appel et procureurs de la République près les tribunaux judiciaires, c’est le garde des sceaux qui dispose du pouvoir de proposition au président de la République. Il doit cependant préalablement recueillir l’avis du CSM, « avis simple » dans les textes mais que les ministres de la justice se sont engagés à respecter depuis plusieurs années.
Par ailleurs, les chefs de cour et de juridiction sont représentés au sein du Conseil puisque tous les quatre ans, les conférences se réunissent pour élire un de leurs représentants au CSM. Ainsi, il y a toujours un premier président de cour d’appel et un président de tribunal dans la formation siège du Conseil, et un procureur général de cour d’appel et un procureur de la République près un tribunal judiciaire dans la formation parquet.
Cette rencontre a été l’occasion d’un échange approfondi avec ces « managers de la justice » sur leurs fonctions et sur leurs conditions d’exercice, tout particulièrement dans le contexte de la tribune et d’un malaise profond ressenti dans la magistrature. Comment s’assurer que les fonctions d’encadrement au sein de la justice suscitent des vocations ? Comment garantir qu’un chef de juridiction ou de cour puisse exercer ses tâches si spécifiques dans des conditions matérielles et intellectuelles satisfaisante ? Comment rendre attractives ces missions dans un contexte de manque de moyens budgétaires et humains ?
Depuis plusieurs années le CSM fait en effet le constat d’une importante baisse d’attractivité des fonctions d’encadrement au sein de la magistrature, particulièrement s’agissant des chefs de juridiction. Les causes de cette désaffection constatée sont certainement multiples et doivent, pour certaines, être recherchées au-delà même de la magistrature. Ainsi, le faible nombre de candidats sur les plus petites juridictions, dans des ressorts souvent isolés, peut s'expliquer pour partie par l’attrait des nouvelles générations pour les métropoles.
De même, si cette cause n'est pas récente, le fait que les deux membres du couple travaillent peut conduire un certain nombre de magistrats, femmes ou hommes, à limiter leurs desiderata géographiques pour éviter d'être éloignés de leur famille. De surcroit, dans les plus petits tribunaux, le contexte d’inadéquation entre les effectifs et la charge de travail peut contraindre les chefs de juridiction, outre les tâches spécifiques du président ou du procureur, à conserver une activité juridictionnelle intense. Ce contexte de peut aussi conduire dans certains cas à rendre les chefs de juridiction responsables de situations qu'ils subissent eux aussi de plein fouet.
L'absence d'encadrement intermédiaire ou d'équipe venant en assistance au chef de juridiction conduit en outre à renforcer leur isolement. Ces fonctions passionnantes sont désormais considérées dans la magistrature comme ingrates et peu attractives.
Ces réflexions ont donné lieu à la réalisation d’un livre blanc par la conférence nationale des présidents de tribunaux judiciaires dont le contenu a pu être présenté aux membres du Conseil. Les travaux, entamés en 2019 pendant la crise sanitaire, enrichis d’échanges avec le CSM, d’un questionnaire anonyme transmis aux présidents ainsi que de deux études, ont donné lieu à 42 préconisations. La conférence a plus particulièrement insisté devant le Conseil sur la nécessité d’un renforcement de l’accompagnement des chefs de juridiction aux moments charnières de la prise de fonction et du départ, de la mise en place de leviers visant à lutter contre le « désenchantement du quotidien » et à permettre une incarnation digne de la fonction, et enfin sur le cas particulier des postes en outre-mer.
Par ailleurs, cette réunion a été pour la conférence l'occasion de présenter ses travaux sur l’évaluation de la charge de travail des magistrats.
La tribune signée dans le journal Le Monde par de nombreux magistrats a en effet mis en lumière plus que jamais la nécessité pour la justice de se doter d’un outil de pilotage fiable et complet permettant d’objectiver les besoins en magistrats des juridictions, réclamé par ailleurs depuis plusieurs années par la Cour des comptes. Alors que la Chancellerie et l’inspection générale de la justice travaillent à la mise en place d’un référentiel dans le cadre de dialogues avec les syndicats et associations professionnelles de magistrats, la conférence des présidents a de son côté élaboré et rendu public son propre outil, fruit de travaux débutés il y a trois ans. Les projections réalisées objectivent un besoin d’au moins 1.500 postes de magistrats du siège en premier instance.