27 mai 1998
Avis du 27 mai 1998
Les membres du Conseil Supérieur de la Magistrature, réunis en formation plénière,
Vu la demande adressée le 20 mai 1998 par le Garde des sceaux, ministre de la justice, sur les points de savoir dans quelle mesure un magistrat peut publier un ouvrage qui rapporterait des faits, objets d'une enquête préliminaire, ou formuler publiquement des critiques sur la façon dont un de ses collègues a assuré ses fonctions,
Emettent l'avis suivant :
- les magistrats disposent, comme tout citoyen, de la liberté d'expression reconnue par la Constitution et par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; un magistrat peut donc, par voie de presse ou tout autre moyen, à titre individuel ou syndical, exprimer son opinion sur tous les sujets y compris ceux qui concernent la justice ;
- cette liberté comporte cependant des limites ; elle doit s'exercer sans que soient atteintes la dignité et l'autorité de la fonction, ni l'impartialité que tout justiciable est en droit d'exiger plus particulièrement ; le magistrat doit concilier les impératifs de présomption d'innocence, du secret professionnel et de l'obligation de réserve avec les exigences du droit à l'information dans une société démocratique ;
- le Conseil supérieur de la magistrature, juridiction disciplinaire à l'égard des magistrats du siège et du parquet, ne peut, sans méconnaître l'obligation rigoureuse d'impartialité à laquelle il est lui-même tenu, émettre un avis plus précis relatif à des poursuites dont il pourrait être saisi par le garde des sceaux, seul titulaire de l'action disciplinaire.