Publication du rapport d'activité du CSM pour l'année 2016
Les faits marquants de l'année 2016
Une année de réformes et de questionnements |
2016 a été marquée par un mouvement conséquent de réformes intéressant l’institution judiciaire. La loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 a notamment révisé le statut des magistrats, en renforçant leurs obligations déontologiques par de nouvelles règles sur les conflits d’intérêts, en élargissant les modalités de leur recrutement, en créant de nouvelles fonctions au sein du corps judiciaire et en améliorant les garanties attachées à la procédure disciplinaire. Le Conseil supérieur de la magistrature a suivi avec attention ces évolutions qu’il sera, pour certaines, chargé de mettre en œuvre ou de contrôler.
Dans un contexte marqué par l’échec de la réforme constitutionnelle qui visait à renforcer l’indépendance du parquet, ainsi que par des prises de positions publiques mettant en cause l’institution judiciaire, il s’est interrogé sur l’indépendance de la justice, la place reconnue à celle-ci dans le paysage institutionnel français, ainsi que sur le malaise croissant ressenti au sein des juridictions et la problématique – ancienne, mais désormais au cœur du débat sur l’efficacité et légitimité de l’action de l’État – des moyens de la justice.
Le rapport d’activité se fait l’écho de ces questionnements. (cf. Rapport, pp. 17 et sq.)
La mobilité croissante du corps judiciaire |
Sur le terrain de la nomination des magistrats, l’année 2016 a confirmé le phénomène, déjà observé en 2015, de mobilité croissante du corps judiciaire.
Les deux formations du Conseil émettent des avis sur les propositions de nominations de magistrats que lui communique le garde des Sceaux. Elles exercent, ce faisant, un contrôle destiné à garantir le respect de l’indépendance des juges et des procureurs dans leur processus de nomination. La formation compétente à l’égard des magistrats du siège formule, en outre, des propositions pour la nomination des magistrats du siège de la Cour de cassation, ainsi que pour celle des premiers présidents de cour d’appel et des présidents des tribunaux de grande instance.
En douze mois, le Conseil s’est ainsi prononcé sur quelques 2316 propositions de nominations du garde des Sceaux. Il a examiné 859 observations formulées par des magistrats qui, quoique souhaitant changer de poste, n’ont pas obtenu satisfaction. La formation compétente à l’égard des magistrats du siège a en outre émis 73 propositions de nominations relevant de son pouvoir propre. Le Conseil s’est attaché, dans cette activité, à concilier toujours l’exigence d’une célérité dans le traitement des dossiers et un impératif de qualité dans l’exercice de son pouvoir d’avis et de proposition.
La hausse tendancielle de l’activité de nomination observée au cours des dernières années constitue un motif d’interrogation pour les membres du Conseil qui proposent, dans le rapport d’activité pour l’année 2016, une première mise en perspective statistique ainsi que des libres réflexions sur ce phénomène de mobilité, avant une étude plus approfondie à paraître. (cf. Rapport, pp. 29 et sq.)
La déontologie des magistrats au cœur de l’action du Conseil |
L’année 2016 a vu l’entrée en fonction du service d’aide et de veille déontologique du Conseil (SAVD). Composé de trois personnalités choisies parmi ses anciens membres, à raison de leur connaissance de la déontologie et de leur expérience en la matière, ce service est chargé d’offrir une aide concrète aux magistrats pour toute question d’ordre déontologique les concernant personnellement. L’aide est dispensée sous la forme d’entretiens téléphoniques permettant aux intéressés de bénéficier d’informations rapides et adaptées.
Les premiers mois d’exercice ont montré combien cette initiative répondait à un véritable besoin : entre le 1er juin et le 31 décembre 2016, le service a été rendu destinataire de quelques 30 saisines de magistrats, représentant un panel très large de profils, de situations et d’interrogations. (cf. Rapport, p. 101)
Le Conseil a concurremment engagé des travaux visant à la révision du Recueil des obligations déontologiques des magistrats. Publié pour la première fois en 2010, ce référentiel est apparu, à l’usage, mériter une actualisation afin de prendre en considération des évolutions telles que l’utilisation croissante des technologies de l’information et de la communication. Des réformes sont en outre intervenues, qui ne sont pas sans incidence sur la déontologie des magistrats, comme celles touchant au statut du parquet ou à l’introduction de la notion de conflit d’intérêts.
Les orientations retenues en l’état conduisent à envisager de scinder le Recueil en deux parties, la première exposant les valeurs des magistrats, la seconde offrant des illustrations concrètes classées par chapitre thématiques. La mandature actuelle souhaite conduire cette révision d’ici le terme de son mandat en 2018. (cf. Rapport, p. 104)
La discipline des juges et des procureurs |
Le nombre de procédures disciplinaires dont le Conseil a été saisi est demeuré stable : 6 saisines sont intervenues, dont 4 relevaient de la formation compétente à l’égard des magistrats du siège (une, sur plainte d’un justiciable), et 2 de celles compétente à l’égard des magistrats du parquet. Le Conseil a rendu 6 décisions au fond. Les manquements sanctionnés concernent notamment des atteintes aux devoirs de loyauté, de délicatesse et d’impartialité mais aussi au devoir de probité. Les sanctions prononcées vont du déplacement d’office à la mise à la retraite d’office. (cf. Rapport, pp. 91 et sq.)
Concernant les plaintes des justiciables, le nombre de requêtes déclarées recevables a légèrement diminué (- 2% par rapport à 2015). Cette année encore, une seule d’entre elles a fait l’objet d’un renvoi devant le Conseil de discipline. Ce constat récurrent a déterminé les membres du Conseil à mener une réflexion sur le fonctionnement même du mécanisme de dépôt de plaintes face à l’absence de réel pouvoir d’investigation des commissions. Les membres du Conseil se sont accordés pour donner compétence aux présidents des commissions pour adresser des courriers de demande de pièces complémentaires aux requérants. Par ailleurs, les décisions motivées de rejet des plaintes, visent souvent à adresser des avertissements déontologiques au magistrat mis en cause, bien que les faits dénoncés ne soient pas en tant que tels susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire. Il semblait dès lors légitime que les autorités hiérarchiques aient connaissance de ces motifs pour assurer leur mission de veille déontologique. Aussi, ces décisions sont-elles désormais systématiquement envoyées au ministre de la justice et aux chefs de cour. (cf. Rapport, pp. 81 et sq.)
Un Conseil ouvert sur le monde |
Le Conseil s’est fortement mobilisé dans le développement d’actions de coopération internationale. Outre la réception de nombreuses délégations étrangères, il s’est impliqué au sein du Réseau Européen des Conseils de Justice (RECJ) qui a notamment engagé des travaux sur la composition des conseils, le financement de l’institution judiciaire et la qualité de la justice. Le RECJ a en outre décidé de suspendre de son statut d’observateur le Haut Conseil des juges et procureurs de Turquie à la suite des très nombreuses décisions disciplinaires et mesures d’incarcération prises contre des magistrats sans réel motif. Le CSM a, de son côté, réagi au sort réservé à de nombreux magistrats en Turquie en publiant un communiqué de presse où il exprimait sa vive inquiétude sur le respect de l’État de droit.
Il s’est en outre fortement impliqué au sein du Réseau francophone des Conseils de la magistrature judiciaire dont il a pris la présidence en novembre. L’assemblée générale annuelle des 7 et 8 avril 2016 s’est déroulée à Paris, qui a permis de dégager des valeurs communes permettant de dessiner les contours d’un « modèle » de Conseil de justice. (cf. Rapport, pp. 111 et sq.)
Le Conseil a eu à cœur de développer encore davantage sa communication à l’égard des professionnels de justice comme du grand public, pour une meilleure compréhension par tous de ses actions. 2016 a ainsi été marquée par la refonte des sites Internet et Intranet du Conseil. Le Conseil a en outre initié un cycle de grands entretiens avec de hautes personnalités intéressées par les problématiques judiciaires. (cf. Rapport, pp. 118 et sq.)