Réponse du conseil supérieur de la magistrature par son avis en date du 11 mars 2004

11 mars 2004

AVIS

Sur les mesures qui pourraient être prises pour mieux garantir l'autorité judiciaire contre la mise en cause injustifiée de tel ou tel de ses membres

L'augmentation du nombre d'attaques personnelles dirigées contre des magistrats et des fonctionnaires des services judiciaires est un fait de société qui devient préoccupant. Cette tendance est notamment attestée par l'évolution récente du nombre de demandes de protection statuaire adressées au ministère de la justice : d'une quinzaine de cas par an en 1997 et 1998, on est passé à 64 en 2000 et 2001, 53 en 2002, puis 80 en 2003, dont 72 relatifs à des magistrats. On peut relever aussi la progression du nombre de condamnations prononcées pour outrage à magistrat (194 en 2000, 198 en 2001, 223 en 2002).

La demande d'avis de M. le Président de la République en date du 25 novembre 2003 ayant évoqué un exemple caractérisé d'usage abusif de la procédure de récusation, les réflexions et propositions du Conseil supérieur de la magistrature ont d'abord porté sur cette forme de mise en cause des magistrats, ainsi que sur les demandes de renvoi à une autre juridiction pour cause de suspicion légitime (I) ; elles se sont ensuite étendues aux diverses autres situations dans lesquelles les magistrats font l'objet d'attaques injustifiées (II).

I. - La mise en cause de magistrats par la voie de la récusation
ou de la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime

Exigence primordiale des citoyens, l'impartialité du juge est un élément fondamental de tout système judiciaire digne de ce nom. Depuis longtemps affirmée comme principe général en droit interne, elle est aussi l'une des règles essentielles posées par l'article 6 de ia Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Selon l'expression de la Cour européenne des droits de l'homme dans ses arrêts Piersack et de Cubber c/ Belgique des 1er octobre 1982 et 26 octobre 1984, l'impartialité des juges est la condition même de la « confiance que les tribunaux se doivent d'inspirer aux justiciables dans une société démocratique ».

A) Dans cette perspective, la récusation d'un juge dont un justiciable estime avoir des raisons de penser qu'il ne serait pas parfaitement impartial est un droit pour ce justiciable, car c'est un élément de son droit à l'impartialité de la justice. Certes, ainsi que le confirme la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, l'impartialité personnelle du juge doit être présumée ; mais la preuve contraire peut être rapportée devant la juridiction compétente pour se prononcer sur la demande de récusation.

Au demeurant, la déontologie des magistrats implique, non seulement que le juge s'efforce d'éviter, dans ses comportements, les situations qui seraient susceptibles de faire naître des causes de récusation, mais aussi qu'il s'abstienne spontanément de juger chaque fois qu'en son âme et conscience, il ne s'estime pas en mesure de se prononcer en toute impartialité. Encore doit-il éviter d'aller trop loin dans cette démarche par un excès de scrupule inspiré par une vision trop absolue de la neutralité du juge, ou pour des motifs moins nobles, toutes attitudes qui risqueraient de compromettre le bon fonctionnement de l'institution judiciaire.

B) Le justiciable ne doit pas, lui non plus, abuser de la récusation ou de la demande de renvoi à une autre juridiction. Il ne faudrait pas que ces procédures, destinées à garantir le droit à l'impartialité, favorisent ou banalisent des attitudes systématiques de défiance à l'égard des juges, ceci conduisant à porter atteinte au crédit de la justice, à paralyser l'institution, à offenser personnellement les magistrats et à les déstabiliser dans l'exercice de leurs fonctions.

Les articles 341 du nouveau code de procédure civile et 668 du code de procédure pénale ont entendu limiter les causes possibles de récusation en les énonçant avec précision. Mais, outre que la cause tenant à l'existence d'un « intérêt personnel à la contestation » ouvre un champ très large à l'interprétation, plusieurs arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation ont jugé, au visa de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la liste des cas énumérés par l'article 341 précité « n'épuise pas nécessairement l'exigence d'impartialité requise de toute juridiction ».

De fait, on peut observer - en dépit de l'imperfection des statistiques dont l'interprétation est rendue difficile par une nomenclature inadaptée - une tendance à l'augmentation du nombre de demandes de récusation et de renvoi pour cause de suspicion légitime. En matière civile, par exemple, le nombre de telles demandes formées devant l'ensemble des cours d'appel a progressé de 170 en 2000 à 196 en 2001 et 473 en 2002. Même si les données de l'année 2002 doivent être corrigées de l'incidence d'une situation locale atypique, l'orientation générale à la hausse est incontestable.

Le taux élevé de rejet des demandes de récusation et de renvoi révèle par lui--même un usage fréquemment abusif de ces procédures, et on peut sans doute imputer ces abus à trois principaux motifs : compliquer et ralentir le cours de la justice par des moyens dilatoires ; tenter de « choisir son juge », au moins par élimination ; fragiliser et déstabiliser le juge ou la juridiction dont l'impartialité est mise en doute.

C) Il est assez malaisé de porter remède à cette situation : d'abord parce que la récusation, on l'a vu, est un élément du droit du justiciable à l'impartialité de son juge ; ensuite parce que, si néfastes que soient les dérives constatées, la réponse à la requête en récusation ou en renvoi doit rester juridictionnelle : en principe, le caractère « justifié », ou non, de cette requête, doit être apprécié au cas par cas par un juge.

Le Conseil supérieur estime néanmoins possible d'envisager deux voies de réforme, de nature et de portée très différentes : d'une part, procéder à certains aménagements de procédure, d'autre part, interdire de fonder la récusation d'un juge ou la suspicion d'une juridiction sur certaines causes.

• Une réforme de la procédure pourrait contribuer à freiner les abus et à en réduire les inconvénients, notamment ceux des requêtes répétitives.

Les demandes répétitives en récusation ou en renvoi peuvent être dirigées contre un même juge ou une même juridiction, de façon quasi-obsessionnelle, par un justiciable particulièrement vindicatif, voire déséquilibré. Dans d'autres cas, de telles requêtes visent à empêcher le déroulement normal d'une procédure : essentiellement dilatoires, elles ne mettent pas sérieusement en cause le juge ou la juridiction mais tendent, parfois avec succès, à bloquer le cours de la justice.

Même si elle est appliquée avec la meilleure célérité, la procédure définie par les articles 345 et suivants du nouveau code de procédure civile, qui prévoit l'intervention de la cour d'appel en cas d'opposition ou de non-réponse du juge récusé, peut être impuissante à déjouer ces manœuvres en temps utile. Il faut donc chercher à statuer plus rapidement et, de façon générale, à simplifier la procédure tout en la rendant plus exigeante.

A cette fin, le Conseil supérieur préconise une réforme visant à unifier les procédures actuellement applicables, respectivement, à la récusation en matière civile (articles précités du nouveau code de procédure civile) et à la récusation en matière pénale (articles 669 et suivants du code de procédure pénale) en les alignant sur cette dernière : selon celle-ci, le demandeur présente requête au premier président de la cour d'appel, lequel statue par une ordonnance qui n'est susceptible d'aucune voie de recours et qui, en cas de rejet, prononce la condamnation du demandeur à une amende civile. La même procédure pourrait s'appliquer, avec les adaptations nécessaires, aux demandes de renvoi pour cause de suspicion légitime en matière civile.

En outre, il serait justifié d'élever de façon significative le taux de l'amende civile, et surtout de veiller à ce que cette amende soit effectivement recouvrée

• C'est à d'autres considérations que conduit l'affaire récente (novembre 2003) dans laquelle un requérant se présentant comme « d'origine arabe et de confession musulmane » et se référant au conflit israélo-palestinien » a récusé une magistrate au motif qu'elle était « de confession juive » et ne pourrait donc pas « aborder avec impartialité » l'affaire opposant le requérant à une société « dont les intérêts sont étroitement liés avec ceux de son fondateur,... de confession juive ».

En présence d'une telle motivation, la question se pose de savoir s'il ne faut pas interdire par la loi de fonder une demande de récusation sur certaines causes, plus précisément sur les éléments tenant en quelque sorte à « l'état de la personne » du juge, à des appartenances constitutives de son identité, dès lors que ces éléments et appartenances seraient invoqués par le requérant comme susceptibles, par eux-même, de faire naître un doute sur l'impartialité du juge, indépendamment de toute manifestation ou implication personnelle de ce juge.

Le Conseil supérieur estime qu'une telle mesure devrait être envisagée afin de rendre d'emblée irrecevable une requête en récusation fondée sur des motifs de cette nature, qui doivent être regardés comme contraires à l'ordre public républicain.

La liste des motifs ainsi prohibés devrait cependant être définie avec mesure, pour éviter de réduire à l'excès le champ de la récusation. Le Conseil suggère donc de s'en tenir pour l'essentiel aux motifs discriminatoires retenus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (articles 24 et 32), en y ajoutant les critères du sexe et des courants de pensée.

Il s'agirait donc d'affirmer qu'un juge ne peut être récusé à raison de son sexe, de son orientation sexuelle, de son origine, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race, une religion ou un courant de pensée déterminé. Et les conditions de recevabilité d'une demande de renvoi pour cause de suspicion légitime devraient, à cet égard, être identiques à celles applicables en matière de récusation.

On peut d'ailleurs rappeler ici que la commission sur la laïcité dans la République, dite commission Stasi, a notamment proposé qu'une loi « précise que les agents publics ne peuvent être récusés en raison de leur sexe, race, religion ou pensée ».

La première justification d'une telle mesure serait de marquer solennellement le caractère inadmissible d'une récusation ou d'une demande de renvoi fondée sur de tels motifs qui offensent gravement et à plusieurs titres la dignité des juges ainsi récusés : atteinte à leur vie privée, à leurs libertés fondamentales, à leur citoyenneté, discrimination raciale ou sexuelle. D'autre part, il serait bon d'affirmer symboliquement que, par principe, une telle croyance, appartenance ou qualité ne saurait être considérée comme étant, par elle-même, de nature à faire douter de l'impartialité du juge, à impliquer chez lui l'existence ou la probabilité d'un préjugé, et qu'on ne saurait admettre de discussion sur ce point devant le juge de la récusation ou du renvoi. Enfin l'interdiction proposée contribuerait à prévenir le risque de voir l'institution judiciaire contaminée par les tendances à la « communautarisation » de l'espace public et par la tentation de « choisir son juge parmi les siens ».

Il convient enfin de souligner que la récusation abusive d'un juge peut aussi donner lieu, le cas échéant, à des poursuites pénales soit pour provocation (publique ou non publique) à la discrimination raciale, soit pour diffamation (publique ou non publique) à caractère raciste, soit même pour outrage à magistrat. Le Conseil supérieur ne croit pas nécessaire d'envisager ici de nouvelles dispositions pénales, sauf à prévoir une circonstance aggravante si l'outrage à magistrat est fondé sur l'un des motifs rendant irrecevable une demande de récusation. Mais il attire l'attention sur la nécessité d'engager effectivement les poursuites légalement possibles et appelle de ses vœux une politique active des parquets dans ce domaine.

II. - Les autres mises en cause injustifiées des magistrats

Les enceintes de justice ne sont plus des « sanctuaires » et tous les observateurs du fonctionnement de la justice relèvent qu'il est de plus en plus fréquent de voir des magistrats(1) mis en cause, personnellement ou collectivement, lors des audiences, dans leurs cabinets, à l'extérieur des palais et même jusque dans leurs domiciles privés.

Certaines de ces mises en cause, qui peuvent aller jusqu'à des atteintes physiques, sont visiblement destinées à déstabiliser le magistrat avant sa décision ou à l'issue du prononcé de celle-ci.

De nombreux exemples récents peuvent être rappelés :

- enquêtes privées effectuées sur le juge, afin de connaître son entourage et mettre en cause son impartialité (enquête sur un président de cour d'assises par un avocat de la partie civile ; enquête sur un juge d'instruction par un prévenu et son avocat à l'occasion de l'instruction d'un dossier financier ; publication par la presse d'une fiche des Renseignements généraux concernant un magistrat...) ;

- articles ou déclarations gravement diffamatoires ou portant atteinte à l'honneur des magistrats ; actions pénales ou civiles dirigées contre des magistrats personnellement, à l'occasion d'une décision juridictionnelle ou d'une affaire dont ils ont la charge ;

- menaces et/ou agressions physiques contre des magistrats, individuellement ou collégialement (présence de groupes de personnes assistant à l'audience publique et manifestant leur soutien à l'une des parties ; chahuts, cris, insultes, menaces proférées à l'audience, avant ou après la décision rendue ; jets d'objets sur les juges, gestes agressifs ou obscènes, menaces de mort ; agressions physiques telles que gifles, coups, blessures avec arme; envoi de lettres de menaces...) ;

- attentats contre les bâtiments judiciaires ou contre les biens mobiliers ou immobiliers appartenant à des magistrats (incendie du domicile privé d'un Procureur de la République en 1996 ; incendies de véhicules appartenant à des magistrats en 2001 et 2002 ; attentat contre le domicile privé d'un substitut en janvier 2002 - incendie de locaux judiciaires en juillet 2002 à l'occasion d'une audience devant la chambre de l'instruction ; mitraillage d'un palais de justice en février 2003 ; attentat contre le véhicule d'un président de tribunal, à son domicile, en août 2003...) ;

Lorsque les auteurs de ces agissements sont connus, on constate qu'il peut s'agir de personnes aussi diverses que les mis en examen, les victimes, les avocats, des groupes de pression.

(1) Les fonctionnaires de justice sont exposés de la même manière.

De telles mises en cause, qui manifestent irrespect et mépris de l'institution judiciaire, constituent une atteinte intolérable à la sérénité de la justice et un moyen inacceptable d'intimidation et de pression à l'encontre des magistrats.

S'il n'est pas possible dans le cadre de cet avis d'analyser les causes de la multiplication de telles attaques, qui peuvent s'expliquer en partie par des facteurs culturels et sociaux non spécifiquement judiciaires, on peut relever que l'absence de réaction à la plupart de ces manifestations ne peut qu'en favoriser le développement et entraîner une perte de crédibilité de l'Etat dans l'accomplissement de ses missions régaliennes.

Or il a été souvent constaté que ces phénomènes ont été insuffisamment combattus pour diverses raisons :

- absence de réaction des autorités hiérarchiques des magistrats mis en cause et de la chancellerie ;

- résignation des magistrats qui ne dénoncent pas les faits subis, certains pensant que l'exercice de la fonction judiciaire suscite inévitablement des réactions agressives de certains justiciables,

- crainte d'un dessaisissement des affaires dont les magistrats ont la charge, en cas de plainte ou de réaction de leur part à une mise en cause injustifiée, surtout s'il s'agit du but recherché par l'auteur ;

- impossibilité matérielle de constater l'infraction commise ou d'en identifier l'auteur.

Néanmoins, un certain nombre de dispositions, qu'il convient de rappeler ici, permettent d'assurer la protection des magistrats.

A) Les dispositifs existants

La loi pénale

La protection pénale des magistrats, et plus généralement de l'institution judiciaire, résulte de deux grandes séries de textes, ceux inscrits dans le code pénal et ceux relevant de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Tous ces textes sont cités et analysés dans l'annexe n° 3 jointe à cet avis, à laquelle il est renvoyé.

Il apparaît au Conseil supérieur que ces dispositions sont suffisantes en ce qu'elles assurent aux magistrats une protection légale appropriée en cas d'atteintes physiques, de menaces, de violences contre les biens personnels du magistrat en vue d'influencer son comportement dans l'exercice de ses fonctions, de corruption active, d'outrage(2), de pressions en vue d'influencer la décision des juridictions, de discrédit jeté sur un acte ou une décision juridictionnelle, de diffamation envers un magistrat ou envers les cours et tribunaux, étant rappelé qu'il incombe aux magistrats de faire acter les faits commis et de les porter à la connaissance des autorités compétentes pour y donner suite.

(2) Sous réserve de la proposition faites ci-dessus (page 4 de cet avis) de la création d'une circonstance aggravante spécifique du délit d'outrage à magistrat.

Toutefois, la mise en œuvre de ces dispositions pénales reste difficile, même en cas d'infraction caractérisée :

- soit parce que, faute de personnel, l'absence de greffier empêche d'acter les incidents d'audience ;

- soit parce que les magistrats victimes n'ont pu, faute d'une présence policière dans les palais de justice, les faire constater ;

- soit parce que les auteurs ont eu le temps de prendre la fuite sans être identifiés, avant l'arrivée des forces de police requises ;

- soit parce que les autorités compétentes et la chancellerie n'ont pas eu la détermination de les poursuivre.

Enfin, de très nombreuses incriminations rendent nécessaires la plainte du magistrat victime, comme préalable à l'action publique. Cette exigence procédurale condamne le magistrat à l'inaction, sauf à rendre inévitable son dessaisissement ou son déport dans la procédure dont il a la charge et à l'occasion de laquelle il a été victime.

• La protection de l'article 11 de l'ordonnance portant statut de la magistrature

« Indépendamment des règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, les magistrats sont protégés contre les menaces, attaques de quelque nature que ce soit, dont ils peuvent faire l'objet dans l'exercice ou à l'occasion de leurs fonctions. L'Etat doit réparer le préjudice direct qui en résulte, dans tous les cas non prévus par la législation des pensions. »

L'article 11 du statut des magistrats de l'ordre judiciaire met ainsi à la charge de l'Etat une obligation de faire, qui consiste à empêcher les attaques de quelque nature qu'elles soient, ou à les faire cesser.

Ce droit à la protection de l'Etat a valeur de principe général et seul un motif d'intérêt général peut permettre à l'Etat de se soustraire à cette obligation (Conseil d'Etat, 21 février 1996 ; Conseil d'Etat, 28 mai 2003).

Il ressort de la note en date du 18 février 2004 du directeur des services judiciaires du ministère de la justice, adressée au Conseil supérieur sur sa demande, que la nature des attaques qui ont fait l'objet d'une demande de protection statutaire par des magistrats en 2003 s'analyse comme suit :

- 31 actions pénales contre des magistrats (plaintes avec constitutions de partie civile ou citations directes, déposées le plus souvent par des justiciables mécontents) ;

- 24 diffamations (contre lesquelles le magistrat agit en demande au pénal ou au civil) ;

- 7 atteintes aux biens ;

- 5 actions civiles en responsabilité ;

- 5 atteintes à la personne ;

- 4 menaces ;

- 3 outrages.

Toutes les demandes de protection présentées par les magistrats depuis janvier 2002 ont été acceptées par le ministère, sauf une.

Malgré une nette évolution à la hausse de la mise en œuvre de cette protection statutaire (d'une quinzaine de cas par an en 1997 à 72 dossiers ouverts concernant 79 magistrats en 2003), la conception qu'a la chancellerie de cette mesure de protection de l'article 11 de l'ordonnance de 1958 paraît au Conseil supérieur un peu étroite, en ce qu'elle n'est toujours envisagée actuellement que sous son seul aspect de la réparation d'un dommage réalisé (sous la forme d'une indemnisation ou par la fourniture d'une défense gratuite), alors que l'État semble peiner à assurer une véritable politique de lutte contre les mises en cause injustifiées des magistrats.

Ce constat conduit le Conseil supérieur à formuler les propositions qui suivent.

B) PROPOSITIONS

Afin d'améliorer la protection des magistrats contre les mises en cause injustifiées, le Conseil supérieur de la magistrature estime indispensable :

1. La création d'une disposition de procédure pénale selon laquelle la plainte du garde des sceaux pourrait suppléer la plainte du magistrat victime, dans tous les cas où cette plainte constitue un préalable à l'action publique.

2. Une politique pénale plus active de poursuite des infractions dont sont victimes les magistrats, professionnels et non professionnels, dans l'exercice ou à l'occasion de leurs fonctions, afin notamment de rendre la sanction plus prévisible, donc plus visible, et de favoriser à terme la prévention des comportements répréhensibles.

3. La sécurisation des palais de justice, des salles d'audience et des cabinets des magistrats en contact avec le public, d'une part par la présence de forces de l'ordre en nombre suffisant dans les juridictions, d'autre part par la mise en place de dispositifs systématiques d'organisation et de contrôle, ceci justifiant un programme pluriannuel.

4. Une formation des magistrats à la maîtrise des situations de crise, organisée par l'Ecole nationale de la magistrature, dans le cadre de la formation continue.

5. La mise en œuvre d'une véritable politique de communication judiciaire.

Sur ce point, il apparaît qu'il y a dans l'opinion publique et dans la presse un véritable déficit d'informations sur le fonctionnement de l'institution judiciaire, le contenu de la loi, les conséquences des décisions de justice. Cette méconnaissance permet parfois des dérives, volontaires ou involontaires, et notamment des mises en cause injustifiées de magistrats.

Le Conseil supérieur préconise l'instauration d'une politique de communication permettant de répondre à des déclarations inexactes ou mensongères concernant l'organisation et le fonctionnement des juridictions, leur domaine d'intervention, leurs responsabilités propres, les délais de traitement des affaires, etc.

Si une telle politique est délicate à mettre en œuvre s'agissant des affaires juridictionnelles en cours ou jugées, le Conseil supérieur estime qu'elle est cependant possible à titre exceptionnel, dans le cas de déclarations particulièrement non fondées ou d'incompréhension manifeste.

La responsabilité de cette communication devrait incomber aux chefs de cour et de juridiction et au ministre de la justice, selon le niveau de mise en cause de l'institution, d'une juridiction ou de magistrats pris à partie individuellement.

Cette réflexion et ces propositions seront complétées à l'occasion de l'avis rendu à la suite de votre saisine du 3 février 2004.