Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du parquet
La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet, sur les poursuites disciplinaires exercées contre M. X, substitut du procureur de la République près le tribunal de grande instance de V.
Vu l’article 65 de la Constitution ;
Vu l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu l’ordonnance modifiée n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, modifiée par la loi organique n° 94-101 du 5 février 1994 ;
Vu la dépêche du 28 mai 1997 de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, au procureur général soussigné, saisissant la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet, pour avis sur les poursuites disciplinaires exercées contre M. X ;
Vu les dossiers disciplinaire et administratif de ce magistrat mis préalablement à sa disposition ;
Considérant que l’affaire a été mise en délibéré au 17 septembre 1999 à l’issue de débats qui, à la demande de l’intéressé, se sont déroulés non publiquement dans les locaux de la Cour de cassation le vendredi 10 septembre 1999 et au cours desquels :
- M. X a comparu, assisté de Me Di Marino, avocat au barreau d’Aix-en-Provence ;
- M. Jean-Paul Bazelaire a été dispensé par toutes les parties et les membres du Conseil de la lecture intégrale de son rapport qui leur avait été antérieurement communiqué ;
- M. X a été interrogé sur les faits dont le Conseil était saisi et a fourni ses explications, M. le directeur des services judiciaires a présenté ses demandes, Me Di Marino a été entendu en sa plaidoirie et M. X a eu la parole le dernier, le principe de la contradiction et l’exercice des droits de la défense ayant ainsi été assurés ;
Considérant, en premier lieu, que le long délai séparant la saisine du Conseil supérieur de la magistrature et la comparution de M. X est imputable à ses défaillances de santé attestées par des certificats médicaux qu’il a produits pour justifier son refus de répondre aux convocations du rapporteur ; que le malaise qu’il a connu lors d’une première comparution devant le Conseil supérieur, le 23 avril 1998, a entraîné son hospitalisation et le renvoi de l’affaire ; que l’audience du 2 juillet 1999 a dû également être reportée en raison de l’hospitalisation subite de l’intéressé ;
Considérant qu’il ressort de l’analyse des pièces du dossier qu’au cours de l’année 1996 ont été relevés des faits qui fondent la poursuite disciplinaire dont M. X fait l’objet, notamment d’avoir laissé en souffrance, sans les traiter dans un délai raisonnable, des centaines de procédures ; de s’être, au mépris des directives du procureur de la République, abstenu à deux reprises, à la suite de décès suspects, d’en référer au procureur adjoint compétent pour prendre les décisions utiles ; d’avoir commis des erreurs graves dans l’exécution de son service ; d’avoir, malgré des mises en garde du procureur de la République, utilisé les postes du palais de justice pour envoyer, des mois durant, des appels téléphoniques à caractère personnel et d’avoir utilisé les moyens que lui donnent ses fonctions pour faire procéder à une enquête sur une affaire personnelle ;
Considérant toutefois que, des nombreux documents médicaux versés aux débats, il résulte que les manquements professionnels invoqués à l’encontre de M. X ont été commis alors qu’il souffrait d’une pathologie mentale ; qu’il ressort notamment du certificat dressé le 31 mai 1999 par un psychiatre, le docteur Z, à la demande du procureur de la République de V, que l’intéressé présente un délire chronique actuellement très actif, que ce délire interprétatif est un délire paranoïaque évoluant en réseau et que ces troubles psychiatriques sont antérieurs au 10 novembre 1997, date d’un accident d’automobile dont a été victime M. X ;
Considérant qu’il résulte de ces constatations que l’intéressé était atteint, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique qui a aboli son discernement ou le contrôle de ses actes dont il n’appartient pas, dès lors, au Conseil supérieur de la magistrature de tirer des conséquences au plan disciplinaire ;
Par ces motifs,
Émet l’avis qu’il n’y a pas lieu à sanction disciplinaire ;
Dit que le présent avis sera transmis à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, et notifié à M. X, par les soins du secrétaire de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet.