Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du parquet

Date
31/03/2000
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de légalité (devoir de respecter la loi), Manquement au devoir de probité (devoir de loyauté à l’égard de l’institution judiciaire)
Avis
Interdiction temporaire de l'exercice des fonctions
Décision Garde des sceaux
Conforme
Mots-clés
Avocat
Compagne
Preuve
Détournement
Procédure pénale
Vie privée (proches)
Légalité
Probité
Institution judiciaire (loyauté)
Interdiction temporaire de l'exercice des fonctions
Substitut général
Fonction
Substitut général
Résumé
Soustraction par un magistrat d’un élément de preuve utile à la manifestation de la vérité dans une procédure pénale mettant en cause sa compagne, une avocate radiée du barreau
Décision(s) associée(s)

La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet, sur les poursuites disciplinaires exercées contre M. X, substitut du procureur général près la cour d’appel de V,

Vu l’article 65 de la Constitution ;

Vu l’ordonnance modifiée n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et notamment son article 58, 1° ;

Vu la proposition formulée le 10 mars 2000 par M. le procureur général près la cour d’appel de V d’interdire temporairement de fonctions M. X, substitut à son parquet général ;

Vu la dépêche en date du 21 mars 2000 de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, au procureur général près la Cour de cassation, président de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet, soussigné, saisissant cette formation pour avis sur l’interdiction temporaire de l’exercice des fonctions de M. X ;

Vu le dossier administratif de ce magistrat et le dossier de la procédure qui lui ont été préalablement communiqués ;

A l’issue des débats qui se sont déroulés à la Cour de cassation le 30 mars 2000 à huis clos, conformément à la demande de M. X, sur le rapport du président de la formation disciplinaire, en présence de M. X assisté de son conseil, Me Gérard Welzer, avocat au barreau d’Épinal, M. Bernard de Gouttes, directeur des services judiciaires, accompagné de M. Yannick Pressensé, magistrat à cette direction, ayant été entendu, Me Welzer et M. X ayant eu la parole en dernier ;

Le principe de la contradiction et l’exercice des droits de la défense ayant ainsi été assurés ;

L’affaire ayant ensuite été mise en délibéré ;

Considérant qu’il ressort des documents versés au dossier que M. X partage, depuis plusieurs années, la vie d’une avocate qui a été radiée disciplinairement du barreau local et qui fait actuellement l’objet de plusieurs procédures pénales ;

Considérant qu’une de ces procédures résulte d’une plainte déposée par des clients de cette avocate qui lui imputent d’avoir détourné, à leur détriment, une somme de 350 000 francs ; qu’une perquisition a été effectuée le 9 mars 2000 par les autorités judiciaires au domicile de cette personne afin d’y rechercher une attestation qu’elle avait fait signer et antidater par ses clients ; que M. X ne conteste pas avoir retiré cette pièce du domicile de sa concubine le 7 mars précédent et l’avoir confiée à un tiers ;

Considérant qu’est ainsi caractérisée une attitude contraire à la déontologie du magistrat et pouvant, le cas échéant, faire l’objet d’une qualification pénale ; qu’il en résulte un discrédit patent pour l’intéressé comme pour l’institution judiciaire ;

Considérant, en conséquence, que, l’urgence étant ainsi caractérisée, le maintien de ce magistrat au sein du parquet général de la cour d’appel de V n’est pas compatible avec l’autorité et avec la considération qui doivent être attachées aux membres des parquets généraux qui sont notamment chargés du contrôle de l’action publique et des auxiliaires de justice, de requérir devant les formations civiles et pénales de la cour et devant la cour d’assises ;

Par ces motifs,

Émet l’avis d’interdire temporairement à M. X, substitut du procureur général près la cour d’appel de V, l’exercice de ses fonctions ;

Dit que le présent avis sera transmis à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, et notifié à M. X et à son conseil, par les soins du secrétaire soussigné.