Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du parquet
La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet, sur les poursuites disciplinaires exercées contre M. X, procureur de la République près le tribunal de grande instance de V,
Vu l’article 65 de la Constitution ;
Vu l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu l’ordonnance modifiée n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et notamment l’article 57 dans sa rédaction issue de la loi organique du 25 juin 2001 relative au statut de la magistrature et au Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu la dépêche du 9 février 2001 de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, au procureur général soussigné, saisissant la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet, pour avis sur les poursuites disciplinaires exercées contre M. X ;
Vu les dossiers disciplinaire et administratif de ce magistrat mis préalablement à sa disposition ;
Considérant que l’affaire a été mise en délibéré à l’issue de débats qui se sont déroulés publiquement dans les locaux de la Cour de cassation le 12 juillet 2001 et au cours desquels :
- M. X a comparu, assisté de Mme Ghesquiere-Dierickx, avocat général honoraire à la cour d’appel de Versailles ;
- après audition du directeur des services judiciaires, le rapporteur a été dispensé par toutes les parties et les membres du Conseil de la lecture intégrale de son rapport qui leur avait été antérieurement communiqué ;
- M. X a été interrogé sur les faits dont le Conseil était saisi et a fourni ses explications, le directeur des services judiciaires a présenté ses demandes, Mme Ghesquiere-Dierickx a été entendue en la défense de M. X qui a eu la parole le dernier, le principe de la contradiction et l’exercice des droits de la défense ayant ainsi été assurés ;
Considérant qu’il résulte des pièces constituant le dossier disciplinaire, qu’une affaire de diffusion de cassettes à caractère pédophile ayant connu un retentissement considérable a été appelée à l’audience du tribunal correctionnel de V le 13 mars 2000, en présence de nombreux journalistes ;
Considérant que, dans son numéro daté des 23-29 mars 2000, l’hebdomadaire « Le nouvel observateur » a, sous la plume de M. Y, journaliste, évoqué cette affaire, relevant notamment que, dans son réquisitoire définitif, M. X, procureur de la République de ce tribunal, avait écrit qu’il n’existait « dans la nature, tant dans le règne animal que végétal, à l’exception peut-être des escargots, aucune forme d’accouplement entre deux mêmes sexes » ; que ce journaliste précisait ensuite que, « gêné que des journalistes aient révélé cette surprenante considération », le procureur leur avait expliqué : « j’ai fait une connerie, j’ai voulu me payer un avocat général qui m’emmerde et qui en est… » ;
Considérant qu’à la suite de l’émotion causée par cet article au sein de la cour d’appel de W, M. X faisait publier, dans le même hebdomadaire, un démenti selon lequel il niait avoir tenu les propos rapportés, mais auquel la direction du magazine ajoutait une note de M. Z affirmant avoir reproduit les déclarations de M. X faites en présence d’un de ses confrères, M. A ;
Considérant qu’une enquête a alors été confiée à l’inspection générale des services judiciaires qui a procédé notamment à l’audition des témoins et de M. X ; que Mme le garde des sceaux a saisi le président soussigné du Conseil supérieur de la magistrature, dans sa formation compétente pour les magistrats du parquet, afin que celui-ci donne son avis sur les manquements à la délicatesse et à la loyauté imputés à M. X ;
Considérant que M. X a maintenu ses dénégations au cours de son audition par le conseiller rapporteur et par le Conseil supérieur de la magistrature ainsi que dans le « mémoire en défense » qu’il a déposé le 20 avril 2001 ;
Considérant qu’il y a lieu essentiellement de rechercher si la preuve est rapportée que M. X a tenu les propos publiés par l’hebdomadaire dans les termes qui lui sont reprochés ;
Considérant que, compte tenu de l’environnement passionné du procès, seul un témoignage objectif, rapporté par une personne extérieure à la polémique, pourrait accréditer l’une ou l’autre des versions contradictoires qui s’opposent ; que ce témoignage faisant défaut, les éléments donnés par le dossier et les débats n’ont pas établi de façon suffisamment certaine que M. X ait prononcé les paroles qui lui sont imputées ;
Considérant, dès lors, qu’il existe un doute sur la teneur des propos prêtés à M. X qui ont pu être mal compris ou interprétés et que ce doute doit lui profiter ;
Par ces motifs,
Émet l’avis qu’il n’y a lieu à sanction ;
Dit que le présent avis sera transmis à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, et notifié à M. X par les soins du secrétaire soussigné.