Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du parquet
La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet,
Vu l’article 65 de la Constitution ;
Vu l’ordonnance modifiée n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, modifiée par les lois organiques n° 94-101 du 5 février 1994 et n° 2001-539 du 25 juin 2001 ;
Vu la dépêche de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, au procureur général soussigné en date du 30 mars 2004, saisissant la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet, pour avis sur les poursuites disciplinaires exercées contre M. X, et la transmission de pièces ultérieure du 21 janvier 2005 ;
Vu les dossiers disciplinaire et administratif de ce magistrat, mis préalablement à sa disposition ;
Considérant que les débats se sont déroulés publiquement dans les locaux de la Cour de cassation le 1er juillet 2005 et que M. X a comparu sans demander l’assistance d’un conseil ;
Considérant que le rapporteur a été dispensé par toutes les parties et les membres du Conseil de la lecture intégrale de son rapport qui leur avait été antérieurement communiqué ; que M. X a été interrogé sur les faits dont le Conseil était saisi et a fourni ses explications ; que M. Patrice Davost, directeur des services judiciaires, accompagné de Mme Florence Butin, magistrat de sa direction, a présenté ses demandes et que M. X a eu la parole en dernier ;
Que le principe de la contradiction et l’exercice des droits de la défense ayant ainsi été assurés, l’affaire a été mise en délibéré ;
Considérant que le procureur général près la cour d’appel de W a signalé par rapport du 12 juin 2003 à M. le garde des sceaux que M. X faisait l’objet d’une suspicion d’une consommation excessive d’alcool ;
Considérant que l’enquête administrative de l’inspection générale des services judiciaires faisant suite à ce rapport a montré que M. X rencontrait des problèmes d’éthylisme, remarqués depuis le courant de l’année 1995 alors qu’il était en fonction au tribunal de grande instance de Y, puis entre septembre 1998 et juillet 2002 alors qu’il exerçait au tribunal de grande instance de Z, problèmes qui ont nécessité des soins hospitaliers du 13 au 23 mars 2000 et un suivi médical postérieur interrompu volontairement à l’occasion de son installation à V en septembre 2002 ; qu’il résulte de témoignages concordants que M. X s’est encore signalé dans le ressort du tribunal de grande instance de V par une consommation excessive d’alcool ; que la même enquête administrative montre que l’éthylisme du procureur de V était connu non seulement de magistrats et fonctionnaires du tribunal mais aussi d’interlocuteurs institutionnels ;
Considérant que M. X s’est notamment trouvé publiquement en état d’imprégnation alcoolique dans les locaux de sa juridiction le 23 décembre 2004 et le 4 janvier 2005, soit plus d’un an après son audition par l’inspection générale des services judiciaires pour des faits de même nature ; que, dans ce contexte, le procureur général de W a, par instructions du 5 janvier 2005, interdit à M. X de participer aux audiences de sa juridiction ou même d’y assister en qualité de spectateur, de paraître à l’audience solennelle de rentrée du tribunal et de conduire tout véhicule ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’à plusieurs reprises, M. X s’est montré dans les locaux du tribunal de grande instance de V ou lors de réunions avec des interlocuteurs institutionnels, dans un état d’imprégnation alcoolique qui a été remarqué par son entourage ; que M. X ne conteste pas la réalité de cet éthylisme même s’il en minimise les effets ; qu’il attribue cette situation à d’importantes difficultés personnelles d’ordre familial ;
Considérant qu’un tel comportement caractérisant un manquement au devoir de dignité qui incombe à tout magistrat et, à plus forte raison, à un chef de juridiction, porte atteinte à l’image et au crédit de l’institution judiciaire ;
Considérant que M. X, par son éthylisme, s’est placé dans l’incapacité d’exercer ses fonctions conformément aux devoirs de son état de procureur de la République, en particulier en s’abstenant d’assumer ses responsabilités administratives de direction et de gestion de la juridiction ;
Considérant en outre que son maintien dans le ressort où il s’est fait remarquer par son intempérance s’avère inopportun ;
Par ces motifs,
Émet l’avis de prononcer contre M. X les sanctions de retrait des fonctions de procureur de la République et de déplacement d’office ;
Dit que le présent avis sera transmis à M. le garde des sceaux et notifié à M. X par les soins du secrétaire soussigné.