Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du parquet
La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet, réunie le 2 octobre 2012, à la Cour de cassation, 5 quai de l’Horloge, Paris 1er
Vu l’article 65 de la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, modifiée, et notamment son article 77 ;
Vu l’arrêté du 19 janvier 2011 du garde des sceaux, interdisant temporairement à M. X d’exercer ses fonctions de vice-procureur de la République près le tribunal de grande instance d’xxxxx ;
Vu la dépêche du garde des sceaux, en date du 24 mars 2011 et ses pièces annexées, saisissant pour avis sur les poursuites disciplinaires diligentées à l’encontre de M. X, la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet ;
Vu les dossiers disciplinaire et administratif de M. X, mis préalablement à sa disposition ;
Vu la convocation adressée le 12 septembre 2012 à M. X et sa notification à l’intéressé le 15 septembre 2012 ;
Vu la convocation adressée le 18 septembre 2012 à Mme B, magistrate, conseil de M. X ;
Vu l’ensemble des pièces produites et jointes au dossier au cours de la procédure et à l’audience.
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L’affaire a été mise en délibéré au 16 octobre 2012 à l’issue des débats qui se sont déroulés publiquement dans les locaux de la Cour de cassation le 2 octobre 2012, au cours desquels, après rappel des termes de la saisine du Conseil par le Président de formation,
M. Jean-Pierre Machelon a présenté son rapport préalablement communiqué aux parties,
M. X a été interrogé sur les faits dont le Conseil était saisi et a fourni ses explications ;
M. Eric Corbaux a présenté ses demandes tendant à ce que soit refusé l’honorariat à M. X, ce dernier ayant été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juillet 2011 ;
M. X, assisté de Mme B, a été entendu en sa défense et a eu la parole en dernier, le principe de la contradiction et l’exercice des droits de la défense ayant été assurés.
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Aux termes de la saisine du garde des sceaux, il est reproché à M. X, vice-procureur de la République près le tribunal de grande instance d’xxxxx admis à la retraite à compter du 1er juillet 2011, d’avoir présenté, à plusieurs reprises au cours des années 2008, 2009 et 2010, à raison d’une consommation excessive d’alcool pour laquelle il avait déjà été sanctionné dans le passé, un «comportement déréglé» portant atteinte à l’image et au crédit de l’institution judiciaire et perturbant son fonctionnement. M. X aurait ainsi manqué, selon l’acte de saisine, au devoir de dignité qui s’impose à tout magistrat, les insuffisances professionnelles découlant de cette consommation excessive d’alcool qui seraient apparues en 2010 constituant des manquements aux obligations attachées à ses fonctions et à l’état de magistrat.
M. X a reconnu s’être présenté au tribunal de grande instance d’xxxxx, le 21 septembre 2010, dans un état d’ébriété, d’avoir été retrouvé dans le bureau d’un des procureurs adjoints en train de se déshabiller et d’avoir été invité à rentrer à son domicile.
Il a cependant contesté s’être présenté dans ce même état le lendemain. En l’absence de témoignage permettant d’établir avec certitude qu’il aurait présenté un état d’ébriété le 22 septembre 2010, ces faits n’apparaissent pas suffisamment établis.
Ne sont pas non plus suffisamment caractérisés, pour le Conseil, et en l’absence de précisions sur les circonstances précises de leur commission, les autres faits dénoncés dans l’acte de saisine, se fondant sur des témoignages recueillis par les services de l’inspection générale des services judiciaires.
Il en est ainsi du grief tiré de réquisitions qu’aurait « annoné » M. X lors d’une audience se tenant à la fin de l’année 2008, alors que selon l’acte de saisine, aucun incident n’avait été constaté. De même, les difficultés à marcher qu’aurait présenté M. X à l’occasion d’une audience s’étant tenue début 2010, et le fait qu’il serait arrivé en retard ne permettent pas de caractériser une faute disciplinaire, en l’absence d’éléments permettant d’établir que ces faits seraient en lien avec un état d’imprégnation alcoolique.
Il en est de même de la critique fondée sur les états de somnolence de M. X, lequel a indiqué qu’ils pouvaient être dus à son état dépressif ou encore, de la chute de sa chaise dont il aurait été victime, sans qu’il soit possible de déterminer avec certitude qu’un éventuel état d’ébriété en serait la cause.
En l’état du seul grief établi, s’il révèle des faits contraires à la dignité, il ne caractérise pas suffisamment une faute disciplinaire au regard des circonstances de leur commission et des graves difficultés personnelles et médicales que rencontrait alors M. X ;
Il y a lieu pour le Conseil, dès lors que M. X a été admis à la retraite à compter du 1er juillet 2011, de se prononcer sur le refus de l’honorariat, qui n’est pas une sanction disciplinaire.
Il apparaît que M. X avait été précédemment sanctionné pour s’être trouvé en état d’imprégnation alcoolique dans les locaux de sa juridiction ou lors de réunions avec des interlocuteurs institutionnels lorsqu’il était procureur de la République près le tribunal de grande instance d’xxxxx.
A la suite de poursuites disciplinaires engagées et d’une décision en date du 8 juillet 2005 du garde des sceaux de lui retirer ses fonctions de procureur de la République et de le déplacer d’office, et de sa nomination dans ces conditions en qualité de vice-procureur de la République près le tribunal de grande instance d’xxxxx le 2 août 2005, le procureur de la République près le tribunal de grande instance d’xxxxx l’a reçu, à trois reprises, pour le mettre en garde sur la reprise des conduites addictives au travail.
L’existence même d’une sanction disciplinaire de retrait de fonctions et de déplacement d’office, ainsi que son comportement général dans la dernière partie de sa carrière, justifie à son encontre le refus de l’honorariat, M. X ayant persisté, malgré ces mises en garde répétées, dans une addiction à l’alcool qu’il a lui-même reconnue à l’audience.
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PAR CES MOTIFS,
Après en avoir délibéré à huis clos, et hors la présence de M. Jean-Pierre Machelon, rapporteur ;
EMET L’AVIS que l’honorariat doit être refusé à M. X.
Dit que le présent avis sera transmis au garde des sceaux et notifié à M. X par les soins du secrétaire soussigné.