Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège
Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège, sous la présidence du premier président de la Cour de cassation, et statuant à huis clos,
Vu les articles 43 à 58 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique sur le statut de la magistrature ;
Vu les articles 13 et 14 de l’ordonnance n° 58-1271 du 22 décembre 1958 portant loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu les articles 9 à 13 du décret n° 59-305 du 12 février 1959 relatif au fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu la dépêche de M. le garde des sceaux du 24 mai 1960 dénonçant au Conseil les faits motivant la poursuite disciplinaire ouverte contre M. X, juge au tribunal de grande instance de V ;
Sur le rapport de M. le conseiller Querenet ;
Ouï M. X en ses explications ;
Attendu qu’il résulte de l’enquête effectuée courant février 1960 par les chefs de la cour de B que M. X , alors juge au tribunal de grande instance de A et chargé de l’instruction, a commis des fautes professionnelles graves ; que notamment il a, dans les quelques jours qui ont précédé l’installation, le 5 novembre 1959, de M. Y, alors procureur de la République à A, comme président du tribunal de grande instance de cette ville, et de M. Z comme procureur de la République de ce siège, obtenu dudit M. Y, qui lui a fait une totale confiance, la signature de vingt-sept réquisitoires définitifs, puis rendu vingt-sept ordonnances de non-lieu, toutes datées du 4 novembre 1959, dont certaines n’avaient été précédées d’aucun acte d’instruction et d’autres étaient rendues au mépris des charges paraissant établies à l’encontre des prévenus ;
Attendu que les chefs de cour ayant recueilli les explications tant de M. X que de M. Y et l’aveu de ses fautes par le premier, ont conclu leur rapport du 24 février 1960 à M. le garde des sceaux en sollicitant que soient ouvertes contre ces deux magistrats des poursuites disciplinaires, réclamant contre M. X le retrait de fonctions et le déplacement d’office ;
Attendu qu’en raison de ces faits, M. X a été cité à comparaître devant le Conseil supérieur de la magistrature, constitué comme conseil de discipline ;
Attendu qu’à l’audience du 16 février 1961 où il a comparu, M. X, après avoir tenté de contester les fautes qui lui sont reprochées, les a finalement reconnues et qu’il en a exprimé des regrets ;
Attendu que les fautes de M. X sont graves et sa responsabilité entière ;
Mais attendu, d’une part, qu’à la suite de l’enquête de ses chefs, M. X a été appelé à solliciter sa nomination dans un autre ressort et a adressé à la chancellerie une liste de desiderata comprenant vingt-cinq postes ; qu’il a été finalement, par décret du 18 avril 1960, nommé juge à V, soit au vingt-troisième poste par lui désigné ; qu’ainsi cette nomination peut apparaître déjà comme une sanction de fait ;
Attendu, d’autre part, que les fautes reprochées à M. X n’ont pu à l’évidence être commises par lui qu’à raison du défaut absolu de tout contrôle et de toute surveillance de la part du procureur de la République, M. Y, aujourd’hui conseiller à la cour d’appel de C ;
Attendu qu’il y a lieu enfin de tenir compte à M. X, pour l’appréciation de la sanction à lui appliquer de ses bons antécédents et de ses titres militaires ;
Par ces motifs,
Prononce contre M. X la sanction disciplinaire prévue par le § 1 (réprimande avec inscription au dossier) de l’article 45 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958.