Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège
Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège, et siégeant à la Cour de cassation, sous la présidence de M. Pierre Truche, premier président de la Cour de cassation ;
En audience publique, conformément aux dispositions de l’article 6, § 1, de la Convention européenne du 4 novembre 1950, de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, les 23 (pour les débats) et 24 (pour le prononcé de la décision) juin 1999 ;
Vu les articles 43 à 58 modifiés de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;
Vu les articles 18 et 19 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu les articles 40 à 44 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu la dépêche de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, du 4 août 1998, dénonçant au Conseil les faits motivant des poursuites disciplinaires à l’encontre de Mme X, juge d’instruction au tribunal de grande instance de V, ainsi que les pièces jointes à cette dépêche ;
Sur le rapport de M. Jean-Claude Girousse, désigné par ordonnance du 17 septembre 1998, dont Mme X a reçu copie, et de la lecture duquel le rapporteur a été dispensé ;
Après avoir entendu M. Bernard de Gouttes, directeur des services judiciaires, assisté de M. Yannick Pressensé, magistrat à l’administration centrale du ministère de la justice ;
Après avoir entendu Mme X, assistée de Mme Anne Grenier, juge au tribunal de grande instance de Créteil, en ses explications et moyens de défense, Mme X ayant eu la parole en dernier ;
Attendu qu’exerçant la fonction de juge d’instruction à V depuis janvier 1987, Mme X, en juin 1997, pour identifier l’auteur d’une communication adressée à sa greffière en l’absence de celle-ci, s’est fait passer pour elle et, qu’apprenant ainsi la qualité de fonctionnaire de police du correspondant, elle écrivait le 30 juin 1997 au directeur départemental de la sécurité publique en affirmant que cet homme entretenait « visiblement des relations avec sa greffière [...] visiblement perturbée par une vie intérieure intense » ; que tant le subterfuge utilisé que ces imputations portent gravement atteinte à la dignité et à la loyauté de ce juge d’instruction ;
Attendu que, plutôt que de correspondre avec le président de sa juridiction, Mme X a choisi, le 2 avril 1996, d’écrire au procureur de la République en citant l’article 434-8 du code pénal relatif aux actes d’intimidation envers un magistrat, pour se plaindre des demandes d’explication du président relatives aux doléances d’un avocat et qualifiées d’« intempestives et orientées » ; que le 24 octobre 1996 elle faisait part au même destinataire qu’elle craignait que « l’acharnement du président à ne pas lui donner satisfaction soit très orienté » ; que le 19 juin 1997, en réponse à une circulaire du président diffusant un arrêt de la chambre d’accusation ayant annulé une ordonnance rendue par elle, elle dénonçait au procureur cette diffusion en visant l’article 226-13 du code pénal relatif à la violation du secret professionnel ; qu’enfin, le 15 octobre 1997, s’estimant menacée, elle sollicitait directement de la gendarmerie nationale une protection qui lui fut refusée et qu’à cette occasion elle demandait à son interlocuteur de ne pas aviser de sa demande le président de la juridiction ; que la suspicion qu’elle faisait ainsi peser sans cause sur ce président constitue un manquement grave et répété à la loyauté et à la délicatesse ;
Attendu que, dans ces conditions, il y a lieu de prononcer à son encontre le retrait des fonctions de juge d’instruction assorti d’un déplacement d’office ;
Par ces motifs,
Prononce à l’encontre de Mme X la sanction de retrait des fonctions de juge d’instruction assortie du déplacement d’office prévue par les articles 45, 2° et 3°, et 46 de l’ordonnance du 22 décembre 1958.