Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège
Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni à la Cour de cassation comme conseil de discipline des magistrats du siège, sous la présidence de M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation ;
Statuant à huis clos, conformément aux dispositions de l’article 57 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, portant loi organique relative au statut de la magistrature, les 14 décembre 2000, pour les débats, et 11 janvier 2001, date à laquelle la décision a été rendue ;
Vu les articles 43 à 58 modifiés de ladite ordonnance ;
Vu les articles 18 et 19 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu les articles 40 à 44 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu la dépêche du 13 septembre 1996, par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a demandé au Conseil supérieur de la magistrature, statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège, d’interdire temporairement à M. X, président de la chambre d’accusation de la cour d’appel de V, d’exercer ses fonctions ;
Vu l’ordonnance du 19 septembre 1996 prononçant ladite interdiction ;
Vu la dépêche du garde des sceaux, ministre de la justice, du 14 novembre 1996, dénonçant au Conseil les faits motivant des poursuites disciplinaires à l’encontre de l’intéressé, ainsi que les pièces jointes ;
M. Bernard de Gouttes, directeur des services judiciaires, ayant été entendu ;
M. Ivan Zakine ayant été dispensé de la lecture du rapport dont copie a été adressée à M. X ;
M. X assisté de Me Jean-Luc Favre ayant fourni ses explications et moyens de défense sur les faits reprochés ;
Me Jean-Luc Favre ayant présenté ses observations orales ;
M. X ayant eu la parole en dernier ;
Attendu qu’au mois de juin 1996, Y, âgée de douze ans, a confié avoir été victime d’attouchements de la part de M. X, président de la chambre d’accusation de la cour d’appel de V, qu’elle a rencontré en 1995, à l’association ... de l’agglomération de W où il assurait, en tant que bénévole, des cours de soutien scolaire pour des préadolescentes ; qu’à l’occasion de l’enquête, plusieurs autres mineures ont dit avoir subi de semblables agissements du même auteur ; que, pour ces faits, M. X a été déclaré coupable d’agression sexuelle sur mineures de quinze ans par personne ayant autorité à l’égard de Y, Z, et A, et condamné à une peine de dix mois d’emprisonnement avec sursis par jugement du tribunal correctionnel de B du 25 mai 1999, confirmé par arrêt de la cour d’appel de B du 28 juin 2000, contre lequel il a formé un pourvoi en cassation ;
Attendu que l’intéressé, qui critique les conditions dans lesquelles s’est déroulée l’enquête de police judiciaire et souligne le contexte de l’époque favorable au développement d’une rumeur injustifiée de pédophilie, expose que, tels que rapportés par les mineures concernées lorsqu’elles ont été entendues dans des conditions présentant toutes les garanties de vérité et ramenés à leur exacte portée, les gestes qui sont imputés, selon lui explicables par les circonstances fortuites d’activités pédagogiques ou de plein air, étaient dépourvus d’intention sexuelle ;
Mais attendu qu’il résulte des récits précis et réitérés des trois mineures susnommées au cours de l’enquête et de l’instruction, partiellement corroborées par les témoignages de leurs proches et d’autres bénévoles de l’association, qu’à la faveur de relations créées au sein d’une œuvre de soutien scolaire et poursuivies à l’extérieur, M. X s’est livré sur elles à des caresses et attouchements qui, bien que furtifs, ont revêtu un caractère sexuel nettement perçu par les victimes ; qu’il s’ensuit que ce magistrat a eu un comportement privé incompatible avec l’honneur, la délicatesse et la dignité auxquels son état l’oblige à se conformer et dont la révélation, dans le contexte local, a gravement porté atteinte au crédit de la justice ;
Et attendu que la faute disciplinaire ainsi caractérisée doit être sanctionnée par la mise à la retraite d’office ;
Par ces motifs,
Prononce à l’encontre de M. X la sanction de mise à la retraite d’office prévue par l’article 45, 6°, de l’ordonnance du 22 décembre 1958.