Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
09/01/2002
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de fidélité au serment prêté (respect du secret professionnel), Manquement au devoir de probité (devoir de ne pas abuser de ses fonctions)
Décision
Réprimande avec inscription au dossier
Mots-clés
Poursuites disciplinaires (saisine du CSM)
Poursuites disciplinaires (publicité des débats)
Franc-maçonnerie
Casier judiciaire
Faux
Secret professionnel
Probité
Abus des fonctions
Réprimande avec inscription au dossier
Vice-président chargé de l'instruction
Fonction
Vice-président chargé de l'instruction
Résumé
Obtention frauduleuse de renseignements concernant une procédure pénale jugée et de casiers judiciaires concernant des candidats à l’adhésion à une loge maçonnique
Décision(s) associée(s)

Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni à la Cour de cassation comme conseil de discipline des magistrats du siège, pour statuer sur les poursuites disciplinaires engagées par Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, contre M. X, vice-président chargé de l’instruction au tribunal de grande instance de V, sous la présidence de M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation ;

Vu la décision du Conseil du 29 juin 2001, disant n’y avoir lieu à prononcer à l’encontre de M. X. une interdiction temporaire d’exercice des fonctions ;

Vu les articles 43 à 58 modifiés de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu les articles 18 et 19 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu les articles 40 à 44 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994, relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu la dépêche du garde des sceaux, ministre de la justice, du 14 septembre 2001, dénonçant au Conseil les faits motivant des poursuites disciplinaires à l’encontre de M. X, ainsi que les pièces jointes à cette dépêche ;

Vu le mémoire adressé au Conseil par M. X, le 12 décembre 2001, visant à titre principal à l’annulation de l’acte de saisine ;

Vu la demande présentée par le magistrat déféré à l’ouverture des débats aux fins d’interdire l’accès de la salle d’audience au public ;

Vu l’article 57 de l’ordonnance précitée n° 58-1270 du 22 décembre 1958, modifié par l’article 19 de la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature ;

Le Conseil, après en avoir immédiatement délibéré, ayant ordonné la publicité de l’audience ;

Sur le rapport de M. Michel Lernout, désigné par ordonnance du 19 septembre 2001, dont M. X a reçu copie et de la lecture duquel le rapporteur a été dispensé ;

Après avoir entendu M. André Gariazzo, directeur des services judiciaires, demandant le prononcé d’une sanction de déplacement d’office et M. X, assisté de M. Michel Cadix, avocat au barreau de Nice, en ses explications et moyens de défense sur les faits qui lui sont reprochés, l’intéressé ayant eu la parole en dernier ;

Attendu que la protection de l’ordre public ou de la vie privée du magistrat poursuivi n’exige pas que l’accès à la salle d’audience soit interdit au public pendant tout ou partie des débats et qu’il n’existe pas, en l’espèce, de circonstances spéciales de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ;

Attendu que les moyens tendant à contester la régularité de l’enquête judiciaire dont M. X a fait l’objet sur les faits visés qui ont donné lieu à des poursuites pénales ne sont pas de nature à affecter la légalité de l’acte de saisine disciplinaire ;

Attendu que les investigations menées dans le cadre d’une information suivie devant le juge d’instruction du tribunal de grande instance de V, ont, en l’état, révélé que M. X a communiqué à des responsables de la Grande loge ... dont il était membre des renseignements sur une procédure pénale jugée, intéressant un candidat à l’adhésion à ladite loge ; que concernant une trentaine d’autres postulants, il a fait établir un relevé intégral des fiches de casier judiciaire, appelé bulletin n° l, qui n’est délivré qu’aux autorités judiciaires, ces demandes faites par télécopie étant faussement attribuées à des dossiers dont il était saisi avec l’indication qu’elles étaient destinées à un débat contradictoire ; qu’enfin il s’était fait adresser un autre bulletin n° 1 de casier judiciaire pour permettre à une personne de constituer un dossier d’affiliation à la même loge maçonnique ;

Attendu que M. X qui admet la réalité de ces actes, expose avoir agi à des fins strictement personnelles afin de s’éviter la fréquentation d’initiés douteux lors des réunions de la loge, et que, si ces pratiques se sont poursuivies postérieurement à son retrait de celle-ci, en 1998, elles ont procédé de la même préoccupation dans la perspective d’une éventuelle réintégration ;

Attendu que par de tels actes, M. X a frauduleusement utilisé les pouvoirs qu’il tenait de ses fonctions à des fins privées étrangères à ses missions ; qu’il doit être disciplinairement sanctionné par une réprimande avec inscription au dossier ;

Par ces motifs,

Statuant en audience publique le 13 décembre 2001, pour les débats, et le 9 janvier 2002, date à laquelle la décision a été rendue ;

Prononce à l’encontre de M. X la sanction de la réprimande avec inscription au dossier prévue par l’article 45, 1°, de l’ordonnance du 22 décembre 1958.