Conseil d’État, section du contentieux, requête n° 272825
Le Conseil d’État statuant au contentieux (section du contentieux, 6ème et 1ère sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 6ème sous-section de la section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er octobre 2004 et 1er février 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentés pour M. X, demeurant … ; M. X demande au Conseil d’État d’annuler la décision du 20 juillet 2004 par laquelle le Conseil supérieur de la magistrature, réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège, lui a interdit temporairement l’exercice des fonctions de président de la cour nationale de … jusqu’à décision définitive sur les poursuites disciplinaires ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 janvier 2006, présentée pour M. X ;
Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée notamment par la loi organique n° 92-189 du 25 février 1992, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 92-305 DC du 21 février 1992 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bertrand Dacosta, maître des requêtes,
- les observations de la SCP …, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article 50 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans la rédaction que lui a donnée la loi organique du 25 février 1992 : « Le garde des sceaux, ministre de la justice, peut, s’il y a urgence et après avis des chefs hiérarchiques, proposer au Conseil supérieur de la magistrature d’interdire au magistrat du siège faisant l’objet d’une enquête l’exercice de ses fonctions jusqu’à décision définitive sur les poursuites disciplinaires. La décision d’interdiction temporaire, prise dans l’intérêt du service, ne peut être rendue publique ; elle ne comporte pas privation du droit au traitement. Si, à l’expiration d’un délai de deux mois, le Conseil supérieur de la magistrature n’a pas été saisi par le garde des sceaux, ministre de la justice, dans les conditions prévues à l’article 50-1, l’interdiction temporaire cesse de plein droit de produire ses effets » ; qu’aux termes de l’article 50-1 de la même ordonnance : « Le Conseil supérieur de la magistrature est saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites disciplinaires que lui adresse le garde des sceaux, ministre de la justice » ; qu’il résulte de ces dispositions que la décision par laquelle le Conseil supérieur de la magistrature se prononce sur la mesure d’interdiction temporaire d’un magistrat, que lui propose le garde des sceaux, ministre de la justice présente un caractère juridictionnel ;
Considérant qu’en application des dispositions de l’article 50 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 le Conseil supérieur de la magistrature, réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège, a, par une décision en date du 20 juillet 2004, interdit temporairement à M. X, président de chambre à la cour d’appel de V, l’exercice des fonctions de président de la cour nationale de … ;
Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier soumis au Conseil supérieur de la magistrature que si M. X, au retour d’une période de congés, a été invité au mois de février 2004 par l’inspection des services judiciaires et par le directeur des services judiciaires à ne pas reprendre ses fonctions de président de la cour nationale de …, cette recommandation, quelle qu’ait été sa portée, ne faisait pas obstacle à ce que, le 15 juin 2004, le garde des sceaux, ministre de la justice, proposât au Conseil supérieur de la magistrature de prendre à l’égard de l’intéressé une mesure d’interdiction temporaire ;
Considérant, en second lieu, qu’en estimant que, compte tenu du mouvement de protestation de grande ampleur suscité parmi le personnel de la cour nationale de … par le comportement et les méthodes de travail de M. X, ainsi que de l’ouverture, à raison de ceux-ci, d’une enquête administrative et d’une enquête préliminaire, puis d’une information judiciaire, il y avait urgence à ce que fût prise, dans l’intérêt du service, une mesure interdisant temporairement à l’intéressé l’exercice des fonctions de président de la cette cour, le Conseil supérieur de la magistrature s’est livré à une appréciation souveraine des faits qui, en l’absence de dénaturation, ne saurait être discutée devant le juge de cassation ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. X n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision attaquée ;
Décide :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X et au garde des sceaux, ministre de la justice.