Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège
Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni à la Cour de cassation comme conseil de discipline des magistrats du siège, pour statuer sur les poursuites disciplinaires engagées par M. le garde des sceaux, ministre de la justice contre M. X, juge de proximité à …, sous la présidence de M. Guy Canivet […] ;
Vu les articles 41-23 et 43 à 58 modifiés par l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;
Vu les articles 18 et 19 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, modifiée par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu les articles 40 à 44 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994, relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu la dépêche du garde des sceaux, ministre de la justice, du 3 juillet 2006, dénonçant au Conseil les faits motivant des poursuites disciplinaires à l’encontre de M. X, juge de proximité à …, ainsi que les pièces jointes à cette dépêche ;
Vu la décision du Conseil supérieur de la magistrature du 12 mai 2006 interdisant temporairement à M. X l’exercice des fonctions de juge de proximité jusqu’à ce qu’intervienne une décision définitive sur les poursuites disciplinaires engagées contre lui ;
Vu le rapport déposé le 23 octobre 2006 par M. Jean-François Weber, membre du Conseil supérieur de la magistrature désigné comme rapporteur par ordonnance du premier président de la Cour de cassation du 6 juillet 2006 ;
Vu la notification du rapport faite le 26 octobre 2006 à M. X et à son conseil ;
Vu les observations écrites déposées par … le 28 novembre 2006 ;
Vu la demande orale présentée par le magistrat poursuivi à l’ouverture de la séance du Conseil soutenant que la protection de sa vie privée exigeait que l’accès à la salle d’audience fût interdit au public ;
Attendu qu’après en avoir délibéré, le Conseil a estimé que ni la protection de l’ordre public, ni celle de la vie privée de ni aucune autre circonstance spéciale de nature à porter atteinte au crédit de la justice ne justifiait une telle exception à la publicité de l’audience ;
Qu’il n’y a pas eu lieu à interdiction de la salle d’audience au public ;
Après avoir entendu :
- M. Jean-François Weber donner lecture de son rapport,
- M. Léonard Bernard de la Gatinais, directeur des services judiciaires au ministère de la justice, demander le prononcé de la sanction de la fin des fonctions de juge de proximité,
- M. X assisté de Maître … avocat au barreau de … en ses explications et moyens de défense sur les faits qui lui sont reprochés, l’intéressé ayant eu la parole en dernier ;
Attendu que le 3 juillet 2006, le garde des sceaux, ministre de la justice, a dénoncé au Conseil supérieur de la magistrature des faits motivant les poursuites disciplinaires concernant M. X, juge de proximité à … ; qu’aux termes de la saisine, M. le garde des sceaux retient :
- que les faits retenus comme fondement des poursuites disciplinaires ayant entraîné la condamnation pénale de M. X sont contraires à l’honneur et à la dignité et sont en conséquence incompatibles avec l’exercice de fonctions juridictionnelles ;
- qu’en omettant de signaler au moment de son recrutement un élément qu’il savait pouvoir déterminer l’issue de sa candidature, il a manifesté un manque évident de loyauté et de sens des responsabilités, contrevenant ainsi aux devoirs de son état ;
- que cette attitude constitue un manquement à la probité attendue d’un représentant de l’institution judiciaire ;
Attendu que M. X, ancien commissaire de police, a été nommé juge de proximité à … le 1er juillet 2004 et a prêté serment le 1er septembre suivant ; qu’à sa demande il a été muté à … le14 décembre 2005 ;
Attendu que postérieurement à sa nomination, il s’est révélé que M. X avait été révoqué de la police nationale en 1989 pour des faits de violence avec arme, commis dans l’exercice de ses fonctions sur une personne gardée à vue le 29 novembre 1984 ; que de tels actes, non contestés, définitivement sanctionnés pénalement, constituent un manquement à l’honneur exclu du champ d’application des lois d’amnistie successives des 20 juillet 1983, 3 août 1995 et 6 août 2002 et sont incompatibles avec l’exercice des fonctions judiciaires, peu important que la réhabilitation ait été acquise à l’intéressé par l’application de l’article 133-13 du code pénal ;
Attendu que s’ils avaient été connus lors de l’instruction de la candidature de M. X aux fonctions de juge de proximité, ces faits contraires à l’honneur auraient nécessairement fait obstacle à sa nomination ; qu’en taisant délibérément cet élément de son passé professionnel sous le fallacieux prétexte qu’il serait un élément de sa vie privée, M. X s’est rendu coupable d’un manque de probité ; que cette omission fautive a été accompagnée de la production d’un « état authentique des services » qu’il savait incomplet pour l’avoir délibérément sollicité à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’un responsable du ministère de l’intérieur accepte de lui délivrer un document qui ne mentionne pas sa révocation de la police nationale ; qu’il a ainsi manifesté un manque de probité, incompatible avec l’exercice des fonctions judiciaires ; que la circonstance que tous ces faits soient antérieurs à sa prestation de serment de magistrat ne prive pas l’autorité disciplinaire de la faculté d’apprécier leur compatibilité avec l’exercice de fonctions judiciaires, le justiciable étant en droit d’attendre de son juge qu’il représente, en sa personne même, les qualités de probité qui, seules, le rendent digne d’exercer sa mission ;
Attendu en outre, qu’en s’abstenant d’informer les services judiciaires de ces faits, ce que ne saurait excuser sa volonté de se réhabiliter, M. X s’est délibérément exposé au risque d’une exploitation par la presse de leur révélation tardive ;
Attendu en conséquence que ces manquements à l’honneur et à la probité qui ont porté atteinte à l’image et au crédit de l’institution judiciaire et qui sont constitutifs de fautes disciplinaires, imposent qu’il soit mis fin aux fonctions de juge de proximité de M. X ;
Par ces motifs,
Statuant en audience publique le 29 novembre 2006, pour les débats et le 8 décembre 2006, date à laquelle la décision a été rendue ;
Prononce à l’encontre de M. X, juge de proximité à …, la sanction de la fin de ses fonctions de juge de proximité prévue par l’article 41-23 de l’ordonnance du 22 décembre 1958.