Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
19/02/2010
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de probité (obligation de préserver la dignité de sa charge)
Décision
Rejet de la demande d'interdiction temporaire de l'exercice des fonctions
Mots-clés
Poursuites disciplinaires (réitération)
Alcool
Circulation (infraction)
Incident
Image de la justice
Probité
Dignité
Institution judiciaire (confiance)
Rejet
Interdiction temporaire de l'exercice des fonctions (rejet)
Vice-président de tribunal de grande instance
Fonction
Vice-président de tribunal de grande instance
Résumé
Conduite sous l’empire d’un état alcoolique. Incidents survenus dans l’exercice de ses fonctions dus à l’état d’ébriété du magistrat. Réitération de manquements ayant déjà donné lieu à une sanction disciplinaire
Décision(s) associée(s)

Le Conseil supérieur de la magistrature réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège et siégeant à la Cour de cassation, pour statuer sur la demande du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, tendant à voir prononcée une interdiction temporaire d’exercice de ses fonctions par Mme X, vice-présidente au tribunal de grande instance de ..., sous la présidence de M. Jean-François Weber, président de chambre honoraire à la Cour de cassation, maintenu en activité, en remplacement de M. Vincent Lamanda, premier président de la Cour de cassation empêché, […] ;

Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, modifiée par la loi organique n° 92-189 du 25 février 1992 et, notamment, son article 50 ;

Vu l’article 18 alinéa 2 de la loi organique du 5 février 1994 modifiée sur le Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu la dépêche du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, en date du 22 janvier 2010, demandant au Conseil supérieur de la magistrature, statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège, d’interdire temporairement à Mme X, vice-présidente au tribunal de grande instance de ..., l’exercice de ses fonctions ;

Vu les avis du premier président de la cour d’appel de ..., du 23 décembre 2009 et du président du tribunal de grande instance de ..., du 17 décembre 2009 ;

Vu les pièces du dossier dont il résulte que Mme X a pris connaissance des termes de la saisine par le garde des sceaux, ministre de la justice, du Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline et de la dépêche du président du conseil de discipline des magistrats du siège, en date du 2 février 2010, l’informant que le conseil se réunirait le 10 février 2010, à 15 heures 30, à la Cour de cassation pour statuer sur la demande d’interdiction temporaire d’exercice des fonctions ;

Vu le courrier du 5 février 2010 par lequel Mme X a désigné M. A, avocat, pour l’assister et qui est substitué, à cette séance, par Mme B, avocat au barreau de Paris ;

Vu la communication de la procédure à Mme X, en date du 3 février 2010, et à son avocat, Maître A, du 8 février suivant ;

Attendu qu’à l’audience, ont été entendus successivement :
- M. Xavier Tarabeux, chef du service des ressources humaines, adjoint à la directrice des services judiciaires, assisté de Mme Florence Croizé magistrat à l’administration centrale du ministère de la justice ;
- Mme B, avocat au barreau de Paris, en sa plaidoirie ;
- Mme X en ses explications et qui a eu la parole en dernier ;

Qu’au terme des débats, à huis clos, l’affaire a été mise en délibéré, avis ayant été donné que la décision serait rendue le 19 février 2010 à 14 heures ;

Attendu que le conseil de discipline des magistrats du siège a été saisi, le 22 janvier 2010, par Mme le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice, d’une demande tendant au prononcé d’une mesure d’interdiction temporaire d’exercice de ses fonctions par Mme X, vice-présidente au tribunal de grande instance de ... ; que la saisine fait valoir que Mme X fait l’objet d’une enquête pénale et administrative à la suite de son interpellation, le 4 décembre 2009, par les services de police, alors qu’elle se trouvait au volant de son véhicule automobile sous l’empire d’un état alcoolique et est à l’origine d’incidents survenus antérieurement dans l’exercice de ses fonctions, dus à son état d’ébriété, les 27 janvier et 24 novembre 2009 ; qu’il s’agit de la réitération de manquements de même nature que ceux déjà sanctionnés, le 30 mars 2006, par le Conseil supérieur de la magistrature, par un abaissement d’échelon assorti d’un déplacement d’office ;

Attendu que, le 4 décembre 2009, Mme X, qui se rendait à son tribunal, a été retrouvée à 10h55, immobilisée dans son véhicule, sur une bretelle de sortie d’autoroute à ... ; que, soumise au dépistage de l’imprégnation alcoolique, Mme X présentait, à 12h30, un taux de 1,11 mg/l d’air expiré au premier souffle et 1,03 mg/l un quart d’heure plus tard ; qu’elle déclarait avoir consommé du whisky la veille au soir, ainsi que le matin même et qu’elle était suivie médicalement pour des problèmes d’alcoolisme ;

Attendu que, dans un rapport au premier président de la cour d’appel de … l’informant de ces faits, le président du tribunal de grande instance de ... relatait, en outre, que, le 24 novembre 2009, Mme X avait dû être remplacée alors qu’elle présidait une audience correctionnelle à juge unique, compte tenu de ses difficultés d’élocution et de l’absence de maîtrise de ses propos et que, le 27 janvier précédent, elle avait déjà été remplacée à une audience en raison de son état d’ébriété ;

Attendu que le président du tribunal de ... sollicite le prononcé d’une mesure d’interdiction temporaire afin de permettre à ce magistrat d’engager une thérapie sérieuse ; que le premier président de la cour d’appel approuve cette demande ;

Attendu que Mme X ne conteste pas la matérialité des faits et reconnaît ses difficultés à vaincre un alcoolisme ancien ; qu’en dépit de la sanction prononcée, en 2006, par le Conseil supérieur de la magistrature et de ses efforts pour résoudre son appétence à l’alcool, les manquements relevés dont certains sont poursuivis pénalement, portent une grave atteinte à la dignité attendue d’un magistrat et à l’autorité de l’institution judiciaire ; qu’il y a urgence, dans l’intérêt du service, et quelles que soient les qualités professionnelles de Mme X, à mettre fin aux perturbations publiques de sa juridiction d’affectation résultant de son addiction à l’alcool, jusqu’à ce que le conseil de discipline statue sur ces éléments pouvant recevoir une qualification disciplinaire ;

Que les conditions exigées à l’article 50 de l’ordonnance susvisée étant réunies, il y a lieu de prononcer la mesure d’interdiction temporaire sollicitée ;

Par ces motifs,

Interdit temporairement à Mme X l’exercice de ses fonctions de vice-président au tribunal de grande instance de ..., jusqu’à ce qu’intervienne une décision définitive sur les poursuites disciplinaires ;

Dit que copie de la présente décision sera adressée au premier président de la cour d’appel de ... ;

Dit que cette interdiction cessera de plein droit de produire ses effets si, à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, le garde des sceaux n’a pas saisi le Conseil supérieur de la magistrature dans les conditions prévues à l’article 50-1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature ;

Prononcé le 19 février 2010, par le Conseil supérieur de la magistrature réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège.