S263 QPC

9/2023

Date
22/03/2023
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de loyauté et de délicatesse, Manquement aux devoirs de l'état de magistrat, devoir de probité
Décision
Non-lieu à renvoyer au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité
Mots-clés
Question prioritaire de constitutionnalité
Première ministre
déclaration de conformité à la Constitution préalable
absence de changement de circonstances
Fonction
Première présidente de cour d’appel
Résumé
Le Conseil supérieur de la magistrature a dit n’y avoir lieu à transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité déposée par la magistrate poursuivie, au motif, que les dispositions de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 avaient déjà été déclarées conformes à la Constitution et qu’il n’existait pas en l’état des circonstances de droit ou de fait justifiant leur réexamen.

CONSEIL

SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE

 

Conseil de discipline des magistrats

du siège

 

Décision du 22 mars 2023

N° de minute : 9/2023

 

 

DÉCISION DU CONSEIL DE DISCIPLINE

 

 

 

Dans la procédure mettant en cause :

 

Mme X

Conseillère à la Cour de cassation et précédemment en charge des fonctions de première présidente de la cour d’appel de Xx

 

 

Le Conseil supérieur de la magistrature,

Statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège,

 

Sous la présidence de M. Pascal Chauvin, président de chambre à la Cour de cassation, président suppléant du conseil de discipline des magistrats du siège,

 

En présence de :

 

Mme Elisabeth Guigou

M. Patrick Titiun

Mme Diane Roman

M. Loïc Cadiet

Mme Dominique Lottin

M. Patrick Wachsmann

M. Jean-Luc Forget

M. Christian Vigouroux

M. Julien Simon-Delcros

M. Jean-Baptiste Haquet

Mme Clara Grande

M. Alexis Bouroz

Mme Céline Parisot

Membres du Conseil, siégeant,

 

Assistés de Mme Sophie Rey, secrétaire générale du Conseil supérieur de la magistrature, et de Mme Aurélie Vaudry, greffière principale ;

 

 

Vu l’article 65 de la Constitution ;

 

Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, notamment ses articles 43 à 58 ;

 

Vu la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, notamment son article 19 ;

 

Vu le décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature, notamment ses articles 40 à 44 ;

 

Vu les articles 61-1 et 65 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

 

Vu les articles 23-1 et suivants de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

 

Vu l’acte de saisine de Mme la Première ministre, en date du 2 novembre 2022, reçu au Conseil le 7 novembre 2022, ainsi que les pièces jointes à cette saisine ;

 

Vu l’ordonnance du 18 novembre 2022 désignant Mme Sandrine Clavel en qualité de rapporteure ;

 

Vu l’ordonnance du 15 février 2023 désignant Mme Dominique Lottin en qualité de rapporteure à la suite du renouvellement des membres du Conseil supérieur de la magistrature ;

 

Vu les dossiers disciplinaire et administratif de Mme X, mis préalablement à sa disposition, ainsi qu’à celle de ses conseils et défenseurs ;

 

Vu la copie de la procédure disciplinaire transmise à Mme X et Me A, avocate au barreau de Xxx, première avocate désignée par l’intéressée pour l’assister ;

  

Vu l’ensemble des pièces jointes au dossier au cours de la procédure ;

 

Vu la convocation à l’audience du 9 mars 2023, adressée à Mme X par lettre recommandée dont elle a signé l’avis de réception le 16 février 2023 ;

 

Vu la convocation du 9 février 2023 adressée par voie dématérialisée le 13 février 2023 à Me A et à Me B, à M. C et à Mme D ;

 

Vu la question prioritaire de constitutionnalité transmise le 3 janvier 2023 par les conseils de Mme X au soutien de ses intérêts ;

 

Vu les observations de Mme la Première ministre en date du 21 février 2023, communiquées aux parties le même jour ;

 

Les débats s’étant déroulés en audience publique, à la Cour de cassation, le 9 mars 2023 ;

 

 

Après avoir entendu :

 

  • Mme X, ses conseils et défenseurs au soutien de leur demande de transmission au Conseil d’Etat de la question prioritaire de constitutionnalité ;

 

  • Mme Dominique Lottin, en son rapport ;

 

  • M. Paul Huber, directeur des services judiciaires, représentant Mme la Première ministre et assisté de Mme Alexia Cussac, magistrate à la direction des services judiciaires, en ses observations ;

 

  • Mme X ayant eu la parole en dernier ;

A rendu la présente

DÉCISION

 

Aux termes de l’article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958, « lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. »

 

Mme X demande que soit renvoyée au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

 

« Les dispositions de l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013, relative à la transparence de la vie publique, visant à prévenir les conflits d’intérêts des ministres, sont-elles inconstitutionnelles en ce qu’elles sont entachées d’incompétence négative, puisqu’elles ont prévu que les modalités de déport des ministres en situation de conflit d’intérêts seraient fixées par un décret en Conseil d’Etat, sans distinguer l’hypothèse d’un garde des Sceaux en conflit d’intérêts avec un magistrat poursuivi disciplinairement, alors que l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature attribue à ce dernier, à titre exclusif, le pouvoir disciplinaire sur les magistrats, et cela en violation de l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, portant ainsi nécessairement atteinte à la l’indépendance de l’autorité judiciaire garantie par l’article 64 alinéa 1 de la Constitution du 4 octobre 1958 ? »

 

Les dispositions de l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique sont applicables au litige au sens et pour l'application de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, dès lors qu’elles ne sont pas dépourvues de lien avec les termes du litige.

 

Cependant, elles ont déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel (DC n° 2013-676 du 9 octobre 2013).

 

Depuis celle-ci, il n’est pas démontré que serait intervenu un changement de circonstances de droit ou de fait, de nature à justifier leur réexamen.

 

En effet, ni la nomination en 2020 du ministre de la justice, garde des Sceaux, ni sa reconduction dans ses fonctions en 2022, alors que celui-ci aurait été en situation de conflit d’intérêts avec des magistrats, ni les deux décisions rendues respectivement les 15 septembre 2022 et 19 octobre 2022 par le Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline et faisant état d’une « situation objective de conflit d’intérêts » du garde des Sceaux ne sauraient caractériser un tel changement de circonstances, qu’elles soient de droit ou de fait.

 

En conséquence, il n’y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat.

 

 

 

PAR CES MOTIFS,

 

 

Le Conseil,

Statuant par mise à disposition de la décision au secrétariat général du Conseil supérieur de la magistrature, le 22 mars 2023 ;

Après en avoir délibéré à huis-clos, hors la présence de Mme Dominique Lottin, rapporteure, et de Mme Céline Parisot, qui s’est abstenue ;

Dit n’y avoir lieu de renvoyer au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité ;

Dit que copie de la présente décision sera adressée à Mme X, à ses conseils et défenseurs ainsi qu’à Mme la Première ministre.

 

La secrétaire générale

 

 

Sophie Rey

Le président suppléant

 

 

Pascal Chauvin