Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du parquet
La commission de discipline du parquet,
Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, et notamment les articles 59 et suivants sur la discipline des magistrats du parquet ;
Vu la dépêche de M. le garde des sceaux du 29 janvier 1965 qui a saisi la commission de discipline des faits reprochés à M. X, procureur de la République près le tribunal de grande instance de V ;
Ouï M. Fouquin, en son rapport ;
Ouï Me Ambre, avocat au barreau de Lyon, assistant M. X, à qui son dossier personnel, ainsi que le rapport de M. Fouquin, ont été communiqués, conformément aux articles 65 et 55 du texte précité ;
Attendu que par dépêche précitée du 29 janvier 1965, M. le garde des sceaux a saisi la commission de discipline du parquet d’une procédure disciplinaire en vue de la révocation de M. X, procureur de la République à la suite près le tribunal de grande instance de V ;
Attendu qu’il résulte des éléments du dossier que depuis son arrivée à V, le comportement de M. X dans sa vie privée donne lieu aux plus vives critiques et est sujet de scandale ;
Qu’il est devenu l’amant d’une femme mariée de mœurs légères, la dame Y, et que ces relations, connues de toute la ville, ont provoqué une scène de violences avec le mari de cette femme ;
Attendu qu’en compagnie de sa maîtresse, M. X fréquente des bars et établissements mal famés de V et de la région ; qu’il y a fait la connaissance d’individus tarés, proxénètes, homosexuels, repris de justice, certains faisant l’objet de poursuites en cours, de filles d’une immoralité notoire ;
Attendu que ces égarements l’ont conduit à héberger au vu et au su du voisinage, un de ces individus et la maîtresse de ce dernier, représentée comme une ancienne prostituée ;
Attendu que sa qualité n’était pas ignorée dans ce milieu où on l’appelait couramment « le procureur » et que la femme Y était connue comme « la femme » ou « l’amie du procureur » ;
Attendu que M. X recevait à son domicile, en compagnie de la femme Y, ses singulières relations et que ces réunions nocturnes où l’on buvait, dansait, chantait et au cours desquelles les participants se livraient à des poursuites bruyantes dans l’appartement, troublaient gravement le repos de ses voisins ;
Que ceux-ci n’osaient se plaindre en raison de la qualité de magistrat de M. X ;
Attendu que M. X, sans contester formellement la matérialité de ces faits, s’est efforcé d’en réduire la portée ; qu’il a indiqué à la commission qu’en agissant ainsi, il avait cherché à rendre service à des relations de restaurant dont il ignorait les antécédents ;
Attendu que ce comportement témoigne d’une méconnaissance absolue de la plus élémentaire réserve et des règles de vie qui s’imposent à tout magistrat ;
Que ce faisant, M. X a porté gravement atteinte à la dignité de son état ;
Attendu qu’il convient cependant de tenir compte de ses qualités professionnelles attestées par les notes élogieuses de ses chefs hiérarchiques, ainsi que de l’isolement dans lequel, à la suite du décès de sa femme, il s’est trouvé placé et qui s’est prolongé pendant quatre ans ;
Par ces motifs,
La commission de discipline du parquet, à la majorité de ses membres ;
Émet l’avis que la sanction de la mise à la retraite d’office soit prononcée contre M. X.