P094 QPC

Délibération du Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du parquet sur une question prioritaire de constitutionnalité

Date
20/09/2022
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de prudence, Manquement aux devoirs de l'état de magistrat, Manquements à la confiance et au respect que la fonction de magistrat doit inspirer aux justiciables, Manquement au devoir de probité (devoir de loyauté à l’égard de l’institution judiciaire)
Avis
Irrecevabilité d’une question prioritaire de constitutionnalité
Mots-clés
parquet
juridiction
Question prioritaire de constitutionnalité
Premier ministre
mémoire distinct et motivé
Garde des sceaux
conflits d’intérêts
décret de déport
Fonction
Premier vice-procureur de la République au parquet national financier
Résumé
Le Conseil supérieur de la magistrature a déclaré irrecevable cette question prioritaire de constitutionnalité déposée par le magistrat poursuivi, au motif, qu’en l’état actuel des textes, sa formation compétente à l’égard des magistrats du parquet ne constitue pas une juridiction au sens de l’article 61-1 de la Constitution.

CONSEIL SUPÉRIEUR

DE LA MAGISTRATURE

 

Formation compétente à l’égard des magistrats du parquet

___

 

20 septembre 2022

M. X

 

 

DELIBERATION

 

 

Dans la procédure mettant en cause :

 

M. X

Actuellement premier vice-procureur de la République national financier (PNF) près le tribunal judiciaire de XX,

 

La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet statuant en matière disciplinaire,

 

Sous la présidence de M. Jean Paul SUDRE, Avocat général honoraire à la Cour de Cassation, président suppléant de la formation,

 

En présence de :

Madame Sandrine CLAVEL,                       

Monsieur Yves SAINT-GEOURS,                           

Madame Hélène PAULIAT,                        

Monsieur Georges BERGOUGNOUS,                    

Madame Natalie FRICERO,                                    

Monsieur Frank NATALI,                                       

Monsieur Olivier SCHRAMECK                            

Madame Jeanne-Marie VERMEULIN,                    

Monsieur David CHARMATZ,                              

Madame Isabelle POUEY,                                       

Monsieur Jean-François MAYET,                           

Madame Dominique SAUVES,                               

Madame Marie-Antoinette HOUYVET,                 

 

Membres du Conseil,

 

Assistés de Madame Sophie REY, secrétaire générale du Conseil supérieur de la magistrature et de Madame Aurélie VAUDRY, greffier principal ;

Monsieur Paul HUBER, Directeur des services judiciaires, assisté de Madame Emilie ZUBER, magistrate, adjointe à la cheffe de bureau du statut et de la déontologie de cette direction représente la Première ministre ;

 

Vu l’article 65 de la Constitution ;

 

Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, notamment ses articles 43 à 48-1 et 58-1 à 66 ;

 

Vu l’article 19 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 modifiée sur le Conseil supérieur de la magistrature ;

 

Vu les articles 40 à 44 du décret n°94-199 du 9 mars 1994 modifié relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;

 

Vu la dépêche du Premier Ministre, du 21 avril 2021, reçue le 23 avril 2021, saisissant le Conseil de poursuites disciplinaires contre M. X, ainsi que les pièces jointes à cette dépêche ;

 

Vu l’ordonnance du 28 avril 2021 désignant Mme Sandrine Clavel et Mme Jeanne-Marie VERMEULIN, membres du Conseil, en qualité de rapporteures ;

 

Vu l’ordre du jour arrêté par le président de la formation le 19 juillet 2022 et sa communication aux parties par dépêche du même jour ;

 

Vu le dossier de la procédure, préalablement communiqué à M. X et à son conseil, Me A ainsi qu’à la Direction des Services Judiciaires ;

 

Vu le dossier administratif de M. X, mis à sa disposition ainsi qu’à celle de ses conseils ;

 

Monsieur X, convoqué par courrier du 19 juillet 2022 notifié par la voie hiérarchique le 3 août 2022 est comparant ;

 

Maître A, avocate au barreau de Xx et Maître B, avocat au barreau de Xxx, conseils de Monsieur X, convoqués par voie dématérialisée le 19 juillet 2022 sont présents ;

 

Monsieur C, délégué régional de G de la Cour d’appel de Xx, défenseur de Monsieur X, convoqué par courrier recommandé avec accusé de réception du 19 juillet 2022, est substitué par Madame E, secrétaire nationale de G ;

 

Madame D, présidente de G, également défenseur de Monsieur X, convoquée par courrier recommandé avec accusé de réception du 19 juillet 2022, est substituée par F, secrétaire général de G.

 

 

Vu le mémoire distinct et motivé adressé au Conseil supérieur de la magistrature le 5 septembre 2022, réitéré le jour de l’audience,

 

Attendu qu’après avoir entendu :

  • Monsieur X, assisté de Me A et de Me B, au soutien d’une question prioritaire de constitutionnalité ;
  • Monsieur HUBER, Directeur des services judiciaires assisté de Madame Emilie ZUBER, magistrate, adjointe au cheffe de bureau du statut et de la déontologie de cette direction représentant la Première ministre, en ses observations tendant au rejet de la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat ;
  • Monsieur X ayant eu la parole en dernier,

 

 

 

A rendu la présente

 

 

DELIBERATION

 

 

En application de l’article 61-1 de la Constitution, « lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; en outre, en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, « devant les juridictions relevant du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé»;

 

En l’espèce, aux termes d’un mémoire distinct et motivé, adressé au Conseil supérieur de la magistrature le 5 septembre 2022, M. X demande que soit transmise au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité suivante aux fins de renvoi au Conseil constitutionnel :

 

« Les dispositions des articles 48 alinéa 1, 59 alinéa 1, 63 alinéa 1, et 66 alinéas 1 et 2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature sont-elles inconstitutionnelles en ce qu’elles confèrent au garde des sceaux, ministre de la justice le pouvoir disciplinaire à l’égard des magistrats du parquet (article 48), lui attribuant compétence tant pour déposer plainte et saisir le Conseil supérieur de la magistrature (article 63) que pour prononcer une sanction disciplinaire (article 66), sans être tenu par l’avis du Conseil supérieur de la magistrature (article 59), en n’assurant pas de séparation entre les fonctions de poursuite, de jugement et de sanction des fautes disciplinaires reprochées aux magistrats du parquet, en violation de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, du principe d’impartialité, portant ainsi nécessairement atteinte l’indépendance de l’autorité judiciaire garantie par l’article 64 alinéa 1 de la Constitution du 4 octobre 1958 ? »

 

Il résulte des dispositions combinées des articles 61-1 de la Constitution et de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, précités, qu’une question prioritaire de constitutionnalité doit être présentée devant une juridiction.

 

Lorsque le Conseil supérieur de la magistrature, dans sa formation compétente à l’égard des magistrats du parquet, est appelé à connaître en vertu de l’alinéa 7 de l’article 65 de la Constitution, de l’éventualité d’infliger une sanction disciplinaire, il ne dispose d’aucun pouvoir de décision et se borne à émettre un avis à l’autorité compétente sur le principe du prononcé d’une sanction disciplinaire et, s’il y a lieu, sur son quantum, aucune sanction ne pouvant être prononcée sans cet avis, en application de l’article 59 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

 

Ainsi, la formation disciplinaire du Conseil supérieur compétente à l’égard des magistrats du parquet ne peut que constater, en l’état actuel des textes, qu’elle ne constitue pas une juridiction au sens de l’article 61-1 de la Constitution, précité.

 

 

PAR CES MOTIFS

 

La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet, statuant en matière disciplinaire,

 

Après en avoir délibéré à huis clos, hors la présence de Madame Sandrine Clavel et Madame Jeanne-Marie Vermeulin, rapporteures,

 

DECLARE irrecevable la question prioritaire de constitutionnalité présentée par M. X ;

 

DIT que copie de la présente délibération est immédiatement remise à M. X et à son conseil et sera transmise à Mme la Première Ministre.

 

 

La secrétaire générale

 

 

        Sophie Rey

Le président suppléant

 

 

Jean Paul SUDRE