Délibération du Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du parquet sur une question prioritaire de constitutionnalité
CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE
Formation compétente à l’égard des magistrats du parquet |
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20 septembre 2022 M. X
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DELIBERATION
Dans la procédure mettant en cause :
M. X
Actuellement 1er vice-procureur de la République national financier (PNF) près le tribunal judiciaire de XX,
La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet statuant en matière disciplinaire,
Sous la présidence de M. Jean Paul SUDRE, Avocat général honoraire à la Cour de Cassation, président suppléant de la formation,
En présence de :
Madame Sandrine CLAVEL,
Monsieur Yves SAINT-GEOURS,
Madame Hélène PAULIAT,
Monsieur Georges BERGOUGNOUS,
Madame Natalie FRICERO,
Monsieur Frank NATALI,
Monsieur Olivier SCHRAMECK
Madame Jeanne-Marie VERMEULIN,
Monsieur David CHARMATZ,
Madame Isabelle POUEY,
Monsieur Jean-François MAYET,
Madame Dominique SAUVES,
Madame Marie-Antoinette HOUYVET,
Membres du Conseil,
Assistés de Madame Sophie REY, secrétaire générale du Conseil supérieur de la magistrature et de Mme Aurélie VAUDRY, greffier principal ;
Monsieur Paul HUBER, Directeur des services judiciaires, assisté de Madame Emilie ZUBER, magistrate, adjointe à la cheffe de bureau du statut et de la déontologie de cette direction représente la Première ministre ;
Vu l’article 65 de la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, notamment ses articles 43 à 48-1 et 58-1 à 66 ;
Vu l’article 19 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 modifiée sur le Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu les articles 40 à 44 du décret n°94-199 du 9 mars 1994 modifié relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu la dépêche du Premier Ministre, du 21 avril 2021, reçue le 23 avril 2021, saisissant le Conseil de poursuites disciplinaires contre M. X, ainsi que les pièces jointes à cette dépêche ;
Vu l’ordonnance du 28 avril 2021 désignant Mme Sandrine Clavel et Mme Jeanne-Marie VERMEULIN, membres du Conseil, en qualité de rapporteures ;
Vu l’ordre du jour arrêté par le président de la formation le 19 juillet 2022 et sa communication aux parties par dépêche du même jour ;
Vu le dossier de la procédure, préalablement communiqué à M. X et à son conseil, Me A ainsi qu’à la Direction des Services Judiciaires ;
Vu le dossier administratif de M. X, mis à sa disposition ainsi qu’à celle de ses conseils ;
Monsieur X, convoqué par courrier du 19 juillet 2022 notifié par la voie hiérarchique le 3 août 2022 est comparant ;
Maître A, avocate au barreau de Xx et Maître B, avocat au barreau de Xxx, conseils de Monsieur X, convoqués par voie dématérialisée le 19 juillet 2022 sont présents ;
Monsieur C, délégué régional de G de la Cour d’appel de Xx, défenseur de Monsieur X, convoqués par courrier recommandé avec accusé de réception du 19 juillet 2022, est substitué par Madame E, secrétaire nationale de G ;
Madame D, présidente de G, également défenseur de Monsieur X, convoquée par courrier recommandé avec accusé de réception du 19 juillet 2022, est substituée par F, secrétaire général de G.
Vu le mémoire distinct et motivé adressé au Conseil supérieur de la magistrature le 19 septembre 2022, réitéré le jour de l’audience,
Attendu qu’après avoir entendu :
- Monsieur X, assisté de Me A et de Me B , au soutien d’une question prioritaire de constitutionnalité ;
- Monsieur HUBER, Directeur des services judiciaires, assisté de Madame Emilie ZUBER, magistrate, adjointe au cheffe de bureau du statut et de la déontologie de cette direction représentant la Première ministre, en ses observations tendant au rejet de la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat ;
- Monsieur X ayant eu la parole en dernier,
A rendu la présente
DELIBERATION
En application de l’article 61-1 de la Constitution, « lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; en outre, en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, « devant les juridictions relevant du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé»;
En l’espèce, aux termes d’un mémoire distinct et motivé, adressé au Conseil supérieur de la magistrature le 19 septembre 2022, M. X demande que soit transmise au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité suivante aux fins de renvoi au Conseil constitutionnel :
« Les dispositions de l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013, relative à la transparence de la vie publique, visant à prévenir les conflits d’intérêts des ministres, sont-elles inconstitutionnelles en ce qu’elles sont entachées d’incompétence négative, puisqu’elles ont prévu que les modalités de déport des ministres en situation de conflit d’intérêts seraient fixées par un décret en Conseil d’État, sans distinguer l’hypothèse d’un garde des sceaux en conflit d’intérêts avec un magistrat poursuivi disciplinairement, alors que l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature attribue à ce dernier, à titre exclusif, le pouvoir disciplinaire sur les magistrats, et cela en violation de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, portant nécessairement atteinte à l’indépendance de l’autorité judiciaire garantie par l’article 64 alinéa 1 de la Constitution du 4 octobre 1958 ? »
Il résulte des dispositions combinées des articles 61-1 de la Constitution et de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, précités, qu’une question prioritaire de constitutionnalité doit être présentée devant une juridiction.
Lorsque le Conseil supérieur de la magistrature, dans sa formation compétente à l’égard des magistrats du parquet, est appelé à connaître en vertu de l’alinéa 7 de l’article 65 de la Constitution, de l’éventualité d’infliger une sanction disciplinaire, il ne dispose d’aucun pouvoir de décision et se borne à émettre un avis à l’autorité compétente sur le principe du prononcé d’une sanction disciplinaire et, s’il y a lieu, sur son quantum, aucune sanction ne pouvant être prononcée sans cet avis, en application de l’article 59 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.
Ainsi, la formation disciplinaire du Conseil supérieur compétente à l’égard des magistrats du parquet ne peut que constater, en l’état actuel des textes, qu’elle ne constitue pas une juridiction au sens de l’article 61-1 de la Constitution, précité.
PAR CES MOTIFS
La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet, statuant en matière disciplinaire,
Après en avoir délibéré à huis clos, hors la présence de Madame Sandrine Clavel et Madame Jeanne-Marie Vermeulin, rapporteures,
DECLARE irrecevable la question prioritaire de constitutionnalité présentée par M. X ;
DIT que copie de la présente délibération est immédiatement remise à M. X et à son conseil et sera transmise à Mme la Première Ministre.
La secrétaire générale
Sophie Rey |
Le président suppléant
Jean Paul SUDRE |