P099 QPC 02/2023
Conseil de discipline des magistrats du parquet |
Délibération du 6 juin 2023
N° de minute : 2/2023
DELIBERATION
sur les 1ère questions prioritaires de constitutionnalité
Dans la procédure mettant en cause :
Mme X
substitute du procureur de la République près le tribunal judiciaire de XXXXXX
La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet,
Sous la présidence de M. François Molins, procureur général près la Cour de cassation, président de la formation,
En présence de :
Madame Elisabeth Guigou
Monsieur Patrick Titiun,
Monsieur Loïc Cadiet,
Monsieur Patrick Wachsmann,
Monsieur Jean-Luc Forget,
Monsieur Christian Vigouroux,
Madame Madeleine Mathieu,
Monsieur Rémi Coutin,
Monsieur Laurent Fekkar,
Madame Véronique Surel,
Madame Céline Parisot,
Monsieur Alexis Bouroz,
Membres du Conseil,
Assistés de Mme Marie Dubuisson, secrétaire générale adjointe du Conseil supérieur de la magistrature et de Mme Aurélie Vaudry, greffière principale ;
Vu les articles 61-1 et 65 de la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958, modifiée, portant loi organique relative au statut de la magistrature, notamment ses articles 43 à 66 ;
Vu la loi organique n°94-100 du 5 février 1994, modifiée, sur le Conseil supérieur de la magistrature, notamment son article 19 ;
Vu le décret n°94-199 du 9 mars 1994, modifié, relatif au Conseil supérieur de la magistrature, notamment ses articles 40 à 44 ;
Vu les articles 23-1 et suivants de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel ;
Vu la dépêche M. le garde des sceaux, ministre de la Justice en date du 24 janvier 2022 reçue le 28 janvier 2022, et les pièces annexées, saisissant le Conseil supérieur de la magistrature pour avis sur les poursuites disciplinaires diligentées à l’encontre de Mme X ;
Vu la désignation de Mme Hélène Pauliat le 2 février 2022 puis d’Isabelle Pouey, en ses lieu et place le 28 mars 2022,
Vu les décisions désignant MM. Laurent Fekkar et Patrick Wachsmann, membres du Conseil, en qualité de rapporteurs ;
Vu les dossiers disciplinaire et administratif de Mme X, préalablement mis à sa disposition ainsi qu’à celle de ses conseils et défenseurs et dont elle a reçu copie, comme son premier conseil, Me A ;
Vu l’ordre du jour arrêté par le président de la formation le 12 mai 2023 et sa communication par dépêche du même jour ;
Vu l’ensemble des pièces jointes au dossier au cours de la procédure, dont Mme X et son premier conseil ont reçu copie ;
Vu le rapport du 11 mai 2023 déposé par MM. Laurent Fekkar et Patrick Wachsmann, dont Mme X a reçu copie, comme son premier conseil ;
Vu la convocation adressée à Mme X par courrier du 12 mai 2023 et sa notification du 22 mai 2023 ;
Vu les convocations adressées par voie dématérialisée le 15 mai 2023 à Maître A, avocat au barreau de XX, Maître B, avocat au barreau de XX, M. D, vice-président au tribunal de XXX, délégué général à la H, Mme E, vice-présidente au tribunal judiciaire de XXXXXXX et membre du I, Mme F, première vice-procureure de la République au tribunal judiciaire de XXXX et Maître C, avocate au barreau de XXXXX,
Vu la comparution de Mme X, assistée de Me A, Me C, M. D par le biais de la visio-conférence, Mme E et G,
Vu le mémoire distinct et motivé adressé au Conseil supérieur de la magistrature le 1er juin 2023, réitéré le jour de l’audience,
Vu les observations de M. le garde des sceaux, ministre de la Justice en date du 5 juin 2023, communiquées aux parties le même jour par voie dématérialisée,
Attendu qu’après avoir entendu en audience publique Me C, conseil de Mme X, au soutien de questions prioritaires de constitutionnalité ;
A rendu la présente
DELIBERATION
En application de l’article 61-1 de la Constitution, « lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; en outre, en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, « devant les juridictions relevant du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé»;
En l’espèce, aux termes d’un mémoire distinct et motivé, adressé au Conseil supérieur de la magistrature le 1er juin 2023, Mme X demande que soit transmise au Conseil d’Etat les questions prioritaires de constitutionnalité suivantes aux fins de renvoi au Conseil constitutionnel :
« 1°) Les dispositions de l’article 63-3 (pour les magistrats du parquet) qui font écho à l’article 52 de l’ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 qui organisent l’audition du magistrat poursuivi devant le rapporteur du Conseil Supérieur de la magistrature portent-t-elles atteinte aux principes constitutionnels du droit à la présomption d’innocence et à celui des droits de la défense - en ce que le droit au silence ne lui est pas notifié - alors que les déclarations sont susceptibles d’être utilisées, directement ou indirectement dans le cadre d’une procédure pénale ? »
« 2 °) Les dispositions des articles 56 et 64 (pour les magistrats du parquet) qui font écho à l’article 52 de l’ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 qui organisent l’audition du magistrat poursuivi devant le rapporteur du Conseil Supérieur de la magistrature portent-elles atteinte aux principes constitutionnels du droit à la présomption d’innocence et à celui des droits de la défense - en ce que le droit au silence ne lui est pas notifié - alors que les déclarations sont susceptibles d’être utilisées, directement ou indirectement dans le cadre d’une procédure pénale ? »
Il résulte des dispositions combinées des articles 61-1 de la Constitution et de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, précités, qu’une question prioritaire de constitutionnalité doit être présentée devant une juridiction.
Lorsque le Conseil supérieur de la magistrature, dans sa formation compétente à l’égard des magistrats du parquet, est appelé à connaître en vertu de l’alinéa 7 de l’article 65 de la Constitution, de l’éventualité d’infliger une sanction disciplinaire, il se borne à émettre un avis à l’autorité compétente sur le principe du prononcé d’une sanction disciplinaire et, s’il y a lieu, sur son quantum, aucune sanction ne pouvant être prononcée sans cet avis, en application de l’article 59 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.
Ainsi, la formation disciplinaire du Conseil supérieur compétente à l’égard des magistrats du parquet ne peut que constater, en l’état actuel des textes, qu’elle ne constitue pas une juridiction au sens de l’article 61-1 de la Constitution, précité.
PAR CES MOTIFS
La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet, statuant publiquement en matière disciplinaire,
Après en avoir délibéré à huis clos, hors la présence de M. Laurent Fekkar et Patrick Wachsmann, rapporteurs,
DECLARE irrecevables les questions prioritaires de constitutionnalité présentées par Mme X ;
DIT que copie de la présente délibération est immédiatement remise à Mme X, à son premier conseil ainsi qu’à Mme Guillaume, sous-directrice des ressources humaines représentant le garde des sceaux, ministre de la Justice.
Cette délibération n’est susceptible d’aucun recours.
La secrétaire générale adjointe
Marie Dubuisson |
Le président
François Molins |