Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège
Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège, sous la présidence de Mme Rozès, premier président de la Cour de cassation, et siégeant à huis clos à la chambre commerciale de la Cour de cassation ;
Vu les articles 43 à 58 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, complétée et modifiée par la loi organique n° 67-130 du 20 février 1967 et n° 70-642 du 17 juillet 1970 ;
Vu les articles 9 à 13 du décret n° 59-305 du 19 février 1959 relatif au fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu la dépêche de M. le garde des sceaux du 4 novembre 1985, dénonçant au Conseil les faits motivant une poursuite disciplinaire contre M. X, vice-président au tribunal de grande instance de V ;
Vu les conclusions déposées in limine litis par M. X, tendant à faire déclarer irrecevable la saisine du Conseil supérieur de la magistrature ;
Ouï M. le directeur des services judiciaires sur l’exception soulevée ;
Le Conseil, après en avoir délibéré, a décidé de joindre l’incident au fond pour qu’il soit statué par une seule et même décision ;
L’audience étant reprise ;
Ouï de nouveau M. le directeur des services judiciaires qui s’est retiré après les débats ;
Et sur le rapport de M. Jegu, désigné pour rapporter le dossier de M. X devant le Conseil supérieur de la magistrature ;
Ouï M. X en ses explications ainsi que MM. les bâtonniers Greco et Malinconi, M. le président Z et Mme le président A, qui l’assistaient ;
Sur la recevabilité de la saisine
Considérant qu’il est soutenu qu’à raison des faits dénoncés au Conseil par M. le garde des sceaux, M. X a déjà reçu de M. le premier président de la cour d’appel de W une lettre en date du 24 septembre 1985 contenant une « très sévère admonestation », dont un exemplaire a été classé au dossier personnel de l’intéressé, ce qui constituerait une sanction disciplinaire faisant obstacle à toute action tendant au prononcé, pour les mêmes faits, d’une nouvelle sanction de même nature ;
Considérant qu’il ressort des éléments du dossier soumis au conseil de discipline qu’à la suite de rapports des chefs de la cour d’appel de W en date des 8 décembre 1984 et 24 avril 1985, la chancellerie a été informée de ce que certains magistrats et fonctionnaires du tribunal de grande instance de V, notamment M. X, avaient retiré irrégulièrement du service des pièces à conviction du greffe dudit tribunal certains objets placés sous scellés ;
Considérant que, se référant à une dépêche du garde des sceaux, en date du 7 juin 1985, le premier président de la cour d’appel de W, par lettre du 24 septembre 1985, a adressé à M. X une « très sévère admonestation », en lui indiquant qu’un exemplaire de cette lettre serait annexé à son dossier personnel ;
Considérant que la mesure ainsi prise, qui n’a pas le caractère d’une simple mesure d’ordre interne, s’analyse en une décision de nature à faire grief à l’intéressé ; mais, considérant que cette mesure se trouve dépourvue de base légale comme n’entrant ni dans les prévisions de l’article 44, ni dans celles de l’article 45 de l’ordonnance n° 58 1270 du 22 décembre 1958 modifiée, et qu’elle émane d’une autorité incompétente ;
Qu’elle doit donc être tenue pour non avenue et au demeurant ne devrait pas figurer au dossier du magistrat ; que dès lors elle ne fait pas obstacle à la saisine du conseil de discipline des magistrats du siège pour les mêmes faits ;
Sur le fond
Considérant qu’il ressort du dossier et des débats que M. X a retiré du greffe, au cours de l’année 1979, un pistolet Colt 11/43, un revolver ancien, un revolver ancien modèle U.S. Colt 38, un revolver 8 mm n° 41968, un revolver 12 mm modèle 1873, un revolver Webley 9 mm, un revolver 12 mm modèle 1874 n° 4754 et S. 1875, un revolver sans marque, calibre indéterminé, un revolver type Lefaucheux 12 mm, et, au cours de l’année 1980, un revolver Oury 6,35 ;
Considérant que le retrait du greffe et la détention par M. X, en dehors des conditions prévues pour les besoins d’une instance par le code de procédure pénale de ces dix armes de collection placées sous scellés et déposées au greffe, quel que soit l’usage auquel ces armes étaient destinées et malgré leur restitution après réclamation, constituent de la part de ce magistrat des manquements aux devoirs de son état ;
Que ces manquements sont d’autant plus graves que la détention s’est prolongée pendant environ quatre années ;
Par ces motifs,
Prononce contre M. X, par application de l’article 45, 2°, de l’ordonnance du 22 décembre 1958 modifiée, la sanction du déplacement d’office.