Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège
Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège, et siégeant à la Cour de cassation, sous la présidence de M. Pierre Truche, premier président de la Cour de cassation ;
Vu les articles 43 à 58 modifiés de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;
Vu les articles 18 et 19 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu les articles 40 à 44 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu les dépêches de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, des 1er février et 3 juin 1996, dénonçant au Conseil les faits motivant des poursuites disciplinaires à l’encontre de Mme X, juge au tribunal de grande instance de V, chargée du service du tribunal d’instance de V, ainsi que les pièces jointes à ces dépêches ;
Sur le rapport de M. Christian Graeff, désigné par ordonnance du 8 février 1996 ;
Après avoir entendu M. Philippe Ingall-Montagnier, directeur des services judiciaires ;
Après avoir entendu Mme X en ses explications et moyens de défense, laquelle a eu la parole en dernier ;
Attendu qu’aux termes de l’article 43, premier alinéa, de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée, portant loi organique relative au statut de la magistrature : « Tout manquement, par un magistrat, aux devoirs de son état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité constitue une faute disciplinaire » ;
Attendu que le Conseil supérieur de la magistrature, réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège, ne peut porter une quelconque appréciation sur les actes juridictionnels des juges, lesquels relèvent du seul pouvoir de ceux-ci et ne sauraient être critiqués que par l’exercice des voies de recours prévues par la loi en faveur des parties au litige ;
Attendu que les faits dénoncés dans la présente poursuite disciplinaire à l’encontre de Mme X consistent en des absences irrégulières réitérées, assimilées dans certains cas à des actes de refus de service, ainsi qu’en des carences et retards dans l’exécution de ses tâches juridictionnelles, l’ensemble de ces griefs étant qualifiés dans la saisine de manquements aux devoirs d’état du magistrat et à son honneur ;
Attendu qu’il ressort des éléments du dossier soumis au conseil de discipline qu’ayant été autorisée à titre exceptionnel à se rendre en congé en métropole du 21 au 31 juillet 1992 en raison de la gravité de l’état de santé de son père, Mme X n’a regagné son poste que quatre jours après la date prévue pour son retour ; qu’elle n’a donc pu assumer ses obligations professionnelles pour les trois premiers jours d’août, contraignant ainsi le président du tribunal à organiser en urgence son remplacement ; mais attendu que ces faits, qui ne portent pas atteinte à l’honneur dès lors qu’il n’est pas établi que la décision de lui accorder un congé ait été obtenue par surprise ou par fraude, ne peuvent plus, en application de l’article 14 de la loi d’amnistie du 3 août 1995, donner lieu à sanction ;
Attendu que Mme X, s’étant vu refuser pour raison de service de prendre un congé du 2 au 16 octobre 1995, s’est néanmoins absentée sans autorisation du 2 octobre au 9 novembre, écrivant au président du tribunal qu’elle agissait en toute conscience des sanctions à venir ; qu’elle a admis avoir volontairement provoqué une épreuve de force au prétexte du caractère « impératif » d’un voyage à l’étranger dénué de toute connotation professionnelle ;
Attendu qu’après avoir été entendue le 20 mars 1996 dans le cadre de la présente procédure disciplinaire sur les premiers griefs, Mme X, qui ne conteste pas la matérialité des faits sans pouvoir donner de sa conduite de justifications précises, s’est à nouveau absentée du tribunal du 27 mars au 2 avril alors que la demande de congé qu’elle avait présentée pour cette période avait fait l’objet d’un refus écrit et motivé ;
Attendu que par suite de ces absences non autorisées, Mme X a dû être remplacée en urgence afin que soient tenues les audiences prévues et que des décisions furent différées, en raison de renvois ou d’absence de signatures ;
Attendu que Mme X, par son comportement, a délibérément méconnu les prérogatives administratives du chef de sa juridiction, et, par ses absences irrégulières, affecté le fonctionnement normal du service de la justice ;
Attendu que, dans ces conditions, Mme X a gravement manqué aux devoirs de son état et que, compte tenu de la situation qu’elle a créée dans le ressort de la cour d’appel, il y a lieu de prononcer à son encontre la sanction du déplacement d’office ;
Par ces motifs,
Constate que les faits commis du 21 au 31 juillet 1992 sont amnistiés en application de la loi du 3 août 1995 ;
Faisant application des dispositions de l’article 45, 2°, de l’ordonnance du 22 décembre 1958 modifiée ;
Décide à l’encontre de Mme X la sanction du déplacement d’office.