Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège
Le Conseil supérieur de la magistrature réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège et siégeant en audience publique à la Cour de cassation, les 8 avril 2004 et 20 avril 2004, pour les débats et le 30 avril 2004, date à laquelle la décision a été rendue ;
Vu les articles 43 à 58 modifiés de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;
Vu les articles 18 et 19 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, modifiée par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu les articles 40 à 44 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu les dénonciations adressées par le garde des sceaux, ministre de la justice, les 31 juillet 2003 et 2 octobre 2003, et les pièces annexées ainsi que les transmissions complémentaires des 14 octobre 2003 et 15 mars 2004, saisissant le conseil de discipline des magistrats du siège de faits motivant des poursuites disciplinaires contre M. X, vice-président au tribunal de grande instance de V ;
M. X ayant été informé le 25 août 2003 qu’il pouvait prendre connaissance du dossier ;
Vu l’ordonnance du 5 septembre 2003 désignant en qualité de rapporteur M. Claude Pernollet, qui a entendu M. X, assisté de Me Vincent Debliquis, avocat au barreau d’Arras, le 15 décembre 2003 ;
Vu le rapport établi le 2 février 2004, dont M. X a reçu copie ;
Vu la citation adressée le 1er mars 2004 à l’intéressé pour la séance du conseil de discipline du 8 avril 2004, continuée le 20 avril 2004, à laquelle il a comparu personnellement assisté de Me Vincent Debliquis ;
Vu le mémoire établi par Me Vincent Debliquis daté du 7 avril 2004 et la note déposée par M. X, le 8 avril 2004 ;
Vu la demande présentée par le magistrat déféré, à l’ouverture de l’audience du 20 avril 2004, aux fins d’interdire l’accès de la salle d’audience au public ;
Le Conseil, après en avoir immédiatement délibéré, ayant ordonné la poursuite des débats en audience publique ;
M. Patrice Davost, directeur des services judiciaires, ayant été entendu ;
M. Claude Pernollet ayant donné lecture de son rapport ;
M. X ayant été entendu en ses explications et moyens de défense sur les faits qui lui sont reprochés ;
Me Vincent Debliquis ayant été entendu en sa plaidoirie ;
M. X ayant eu la parole en dernier ;
Attendu que la protection de l’ordre public ou de la vie privée du magistrat poursuivi n’exige pas que l’accès à la salle d’audience soit interdit au public pendant tout ou partie des débats et qu’il n’existe pas, en l’espèce, de circonstances spéciales de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ;
Attendu que le conseil de discipline est saisi, d’une part, de faits d’attentats à la pudeur qui auraient été commis par M. X sur des mineurs, entre les années 1989 et 1991, alors qu’il exerçait les fonctions de juge des enfants au tribunal de grande instance de W, d’autre part, d’agressions sexuelles, révélées dans le cadre d’une procédure pénale en cours, dont il se serait rendu coupable au cours de l’été 1994, alors que durant ses congés, il assurait la direction d’un centre de vacances ; que ces faits sont dénoncés par le ministre de la justice comme constitutifs d’atteintes à l’honneur, aux bonnes mœurs, à la délicatesse et à la dignité ;
Attendu que, s’agissant de la première série de manquements, il est reproché à M. X d’avoir fait se dévêtir devant lui un mineur poursuivi pour attentat aux mœurs afin de vérifier s’il était pubère et d’en avoir contraint d’autres à se dénuder, soit dans son cabinet, soit dans un local d’archives, au prétexte de se livrer sur eux à des fouilles ou de leur faire essayer des vêtements, certains d’entre eux ayant, en outre, été victimes d’attouchements ; que l’intéressé conteste, pour certains de ces faits leur véracité, pour d’autres les circonstances dans lesquels ils sont relatés ou l’interprétation à connotation sexuelle qui en est donnée, affirmant, dans tous les cas, avoir cru agir en vertu des pouvoirs d’investigation dont dispose le juge des enfants et à seule fin d’enquêter sur d’éventuelles activités illicites des mineurs comparaissant devant lui ; que, selon M. X, ces dénonciations, à l’époque connues de ses supérieurs hiérarchiques devant qui il s’en est expliqué, ont donné lieu, selon lui, à une mutation forcée et par lui acceptée, mesure qu’il estime au moins constitutive d’un avertissement revêtu de l’autorité de la chose jugée ; qu’au surplus, en raison de leur date, ces faits seraient couverts par la prescription ; qu’au regard des explications ainsi avancées par l’intéressé et sans se prononcer sur les exceptions soulevées, il échet de surseoir à statuer pour plus ample informer sur les fautes disciplinaires dénoncées ;
Attendu que M. X. conteste, en outre, être l’auteur des infractions poursuivies devant le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Y sous la qualification d’agressions sexuelles imposées à mineurs de quinze ans et pour lesquelles il est mis en examen ; qu’en raison de l’absolue similitude des infractions pénalement poursuivies avec les manquements disciplinairement dénoncés et pour éviter tous risques de contradiction entre les décisions à intervenir, il échet de surseoir à statuer sur l’instance disciplinaire jusqu’à décision définitive sur les poursuites pénales ;
Qu’en l’absence d’éléments nouveaux, il n’y a lieu de revenir sur la mesure d’interdiction temporaire d’exercice des fonctions décidée le 9 juillet 2003 dans l’intérêt du service ;
Par ces motifs,
Sursoit à statuer sur les dénonciations du ministre de la justice, jusqu’à plus ample informé, en ce qui concerne les fautes remontant à une période comprise entre 1989 et 1991 et, s’agissant de celles datées du mois de juillet 1994, jusqu’à ce qu’il ait été définitivement statué sur les poursuites pénales engagées contre M. X. du chef d’agressions sexuelles sur mineurs de quinze ans ;
Dit qu’il sera procédé à un supplément de l’instruction disciplinaire sur les faits commis entre 1989 et 1991 ;
Dit n’y avoir lieu à lever l’interdiction temporaire d’exercice des fonctions décidée le 9 juillet 2003.