Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
14/05/2009
Décision
Rejet de la demande d'interdiction temporaire de l'exercice des fonctions
Mots-clés
Chef de juridiction
Incident
Conflit
Gestion du tribunal
Interdiction temporaire de l'exercice des fonctions (rejet)
Rejet
Président de tribunal de grande instance
Fonction
Président de tribunal de grande instance
Résumé
Président de tribunal se trouvant en situation de rupture tant avec son supérieur hiérarchique qu’avec le procureur de la République, et dont l’autorité et la légitimité à l’égard de ses subordonnés apparaissent compromises

Le Conseil supérieur de la magistrature réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège et siégeant à la Cour de cassation, pour statuer sur la demande d’interdiction temporaire d’exercice de ses fonctions par M. X, président du tribunal de grande instance de …, composé de M. Vincent Lamanda, premier président de la Cour de cassation, […] ;

Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, modifiée par la loi organique n° 92-189 du 25 février 1992 et, notamment, ses articles 50 et 50-1 ;

Vu la dépêche du garde des sceaux, ministre de la justice, du 26 février 2009, demandant au Conseil supérieur de la magistrature, statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège, d’interdire temporairement à M. X, président du tribunal de grande instance de …, l’exercice de ses fonctions ;

Vu l’avis du premier président de la cour d’appel de …, en date du 24 février 2009, exposant que, dans l’intérêt du service, il est nécessaire de prendre une telle mesure ;

Vu les pièces versées au dossier, dont il résulte que M. … a pris connaissance, le 30 mars 2009, des termes de la saisine par le garde des sceaux, ministre de la justice, du Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline, ainsi que de sa convocation devant le Conseil le 30 avril 2009, à 15 heures, à la Cour de cassation, pour statuer sur la demande d’interdiction temporaire d’exercice des fonctions ;

Vu le courrier du 23 avril 2009, par lequel M. X a désigné M. …, avocat au barreau de … pour l’assister à cette séance ;

Vu la communication de la procédure à M. X et à son avocat ;

Attendu que, lors de l’audience du 30 avril 2009, ont été entendus successivement :
- Mme Dominique Lottin, directrice des services judiciaires, assistée de M. Pascal Prache, sous-directeur des ressources humaines de la magistrature, et de Mme Béatrice Vautherin, magistrat à l’administration centrale du ministère de la justice ;
- M. X, en ses explications ;
- M. …, en sa plaidoirie ;
- M. X, qui a eu la parole en dernier ;

Qu’au terme des débats, à huis clos, l’affaire a été mise en délibéré, avis ayant été donné que la décision serait rendue le 14 mai 2009 à 14 heures, par mise à disposition de la décision au secrétariat général de la première présidence de la Cour de cassation, secrétariat du conseil de discipline des magistrats du siège ;

Attendu que le garde des sceaux a saisi le conseil de discipline, le 26 février 2009, d’une demande tendant au prononcé d’une mesure d’interdiction temporaire d’exercice de ses fonctions à l’égard de M. X, président du tribunal de grande instance de … ;

Attendu que l’interdiction temporaire prévue à l’article 50 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 modifiée n’est pas une sanction disciplinaire, mais une mesure de protection du service de la justice pendant la procédure disciplinaire visant le magistrat qui fait l’objet d’une enquête ;

Attendu que, se fondant sur des éléments recueillis par le premier président de la cour d’appel de … et sur les résultats d’une enquête de l’inspection générale des services judiciaires, le garde des sceaux retient que la juridiction de … connaît actuellement une situation de blocage qui porte atteinte au fonctionnement du service de la justice ; que, malgré son intelligence et ses indéniables qualités juridictionnelles, le président de ce tribunal, qui se trouve aujourd’hui isolé et a perdu la confiance de la plupart de ses collègues, ne manifeste aucune remise en cause de sa manière d’être ; que cette situation d’isolement résulte notamment de plusieurs manquements ou retards dans ses relations avec le premier président de la cour d’appel, d’une rupture consommée avec le procureur de la République ainsi que, par des comportements indélicats, de relations dégradées avec un certain nombre de magistrats de la juridiction ;

Attendu que l’autorité de poursuite souligne l’urgence de rétablir, sans délai, la direction du tribunal de grande instance de … dans des conditions que ne permettent pas, aujourd’hui, l’attitude et le comportement de son président, qui se trouve en situation de rupture tant avec son supérieur hiérarchique qu’avec le procureur de la République, et dont l’autorité et la légitimité à l’égard de ses subordonnés apparaissent compromises ; que l’intérêt du service commande que M. X soit écarté de ses fonctions de président de cette juridiction, afin de restituer, à cette dernière, sa sérénité, garantie d’un bon fonctionnement de la justice ; que les faits dénoncés apparaissent, au vu des investigations réalisées par l’inspection générale des services judiciaires, de nature à caractériser des fautes disciplinaires ;

Attendu que M. X conteste la situation de péril de la juridiction et soutient qu’au regard des conditions dans lesquelles sont intervenus les faits dénoncés, les reproches formulés à son encontre sont infondés ; que ce magistrat a formulé divers desiderata pour occuper d’autres postes ;

Attendu que l’appréciation des griefs, invoqués par le garde des sceaux à l’encontre de M. X, relèvera de l’appréciation au fond du conseil de discipline, s’il est saisi ; qu’il n’apparaît pas que le fonctionnement du tribunal de grande instance de … soit aujourd’hui en péril ; que les principaux reproches formulés contre M. X ne correspondent pas à des incidents récents ; qu’il résulte d’une attestation circonstanciée, du 27 avril 2009, de M. …, bâtonnier en exercice de l’ordre des avocats au barreau de ce tribunal, que celui-ci, sous la présidence de M. X, fonctionne de manière satisfaisante compte tenu des moyens matériels et humains de la juridiction ; que, ni l’urgence exigée par l’article 50 de l’ordonnance statutaire, ni l’intérêt du service, n’imposent le prononcé d’une mesure d’interdiction temporaire ;

Par ces motifs,

Rejette la demande d’interdiction temporaire d’exercice des fonctions de président du tribunal de grande instance de … formulée à l’encontre de M. X ;

Dit que copie de la présente décision sera adressée au premier président de la cour d’appel de … ;

Prononcé le 14 mai 2009 par le Conseil supérieur de la magistrature réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège.