Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du parquet

Date
30/05/1997
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir d'impartialité, Manquement au devoir de probité (devoir de ne pas abuser de ses fonctions), Manquement au devoir de probité (devoir de loyauté à l’égard de l’institution judiciaire)
Avis
Réprimande avec inscription au dossier
Décision Garde des sceaux
Conforme - Sanction amnistiée
Mots-clés
Justiciable
Intervention
Déport
Etat civil
Casier judiciaire
Impartialité
Probité
Abus des fonctions
Institution judiciaire (loyauté)
Réprimande avec inscription au dossier
Substitut du procureur de la République
Fonction
Substitut du procureur de la République
Résumé
Absence de déport dans le traitement du dossier concernant une personne poursuivie avec laquelle le magistrat entretenait des relations personnelles. Utilisation de sa qualité de magistrat aux fins d’entretenir des relations avec une personne détenue et d’obtention de la copie intégrale d’un acte de naissance ainsi que d’un bulletin n° 1 de casier judiciaire dans un but privé

La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet,

Vu l’article 65 de la Constitution, modifié par la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 ;

Vu l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, modifiée par la loi organique n° 94-101 du 5 février 1994 ;

Vu la dépêche en date du 24 décembre 1996 de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, à M. le procureur général près la Cour de cassation, président de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet, saisissant cette formation pour avis sur les poursuites disciplinaires exercées contre M. X, l’entier dossier ayant été mis à sa disposition ;

Vu le dossier administratif de M. X, également mis préalablement à sa disposition ;

Vu les débats qui, à la demande de l’intéressé, se sont déroulés à huis clos, à la Cour de cassation, le vendredi 30 mai 1997 au cours desquels :

- M. X a comparu ;

- le rapporteur a été dispensé par toutes les parties et les membres du Conseil de la lecture de son rapport qui avait été antérieurement communiqué à tous ;

- M. X a été interrogé sur chacun des faits dont le Conseil était saisi et a fourni ses explications, M. le directeur des services judiciaires a présenté ses demandes et M. X a eu la parole le dernier, le principe de la contradiction et l’exercice des droits de la défense ayant ainsi été assurés ;

Considérant que par dépêche du 24 décembre 1996, M. le garde des sceaux, ministre de la justice, a saisi la formation du Conseil supérieur de la magistrature, compétente en matière de discipline des magistrats du parquet, de faits imputés à M. X, substitut du procureur de la République près le tribunal de grande instance de V ; qu’il est fait grief à ce magistrat de son comportement à l’égard d’une justiciable ainsi que de l’obtention et de l’utilisation indues de documents administratifs ;

Considérant, sur le premier reproche, qu’il est constant que M. X a, courant juin 1995, notifié une injonction thérapeutique à Mme Y dont il connaissait des membres de la famille ; qu’il a revu en privé cette jeune femme à diverses reprises durant les mois suivants ;

Considérant que cette personne ayant été arrêtée au mois d’octobre 1995, déférée au parquet de V et placée sous mandat de dépôt pour vol, recel, contrefaçon de chèques et usage, M. X est intervenu dans la procédure pour ouvrir l’information, requérir la mise en détention, suivre le dossier d’instruction et rédiger le réquisitoire définitif ;

Considérant qu’au cours de la détention de Mme Y à la maison d’arrêt de W, M. X lui a écrit des lettres qu’il plaçait dans des enveloppes à l’en-tête du tribunal de grande instance de V afin d’en éviter l’ouverture par les services pénitentiaires ; qu’en se prévalant de sa qualité de magistrat, il lui a rendu visite, pendant près de trois heures, le 14 octobre ; qu’il est allé dîner au restaurant, le 18 octobre suivant, avec les parents de la jeune femme, à leur invitation ;

Considérant que s’il n’est pas allégué que le comportement de M. X ait favorisé le sort de Mme Y et, s’il est constant qu’il a interrompu la fréquentation de sa famille en janvier 1996, à la suite d’une admonestation du procureur général de Z, il n’en demeure pas moins que les relations personnelles qu’il a entretenues, six mois durant, avec une personne faisant l’objet de poursuites pénales et avec ses proches, n’étaient pas compatibles avec le suivi, par ses soins, du dossier la concernant ; qu’en ne se déportant pas, il a manqué à la délicatesse et à son devoir d’impartialité ; que c’est par un usage abusif de sa qualité et de ses fonctions qu’il est resté en relation avec Mme Y lors de sa détention ; qu’il a ainsi fait preuve d’un défaut de loyauté ;

Considérant, sur le second reproche, que M. X reconnaît que c’est par l’usage de sa qualité de magistrat qu’il s’est procuré la copie intégrale de l’acte de naissance de l’enfant qu’avait eu son épouse après leur séparation, ainsi que le bulletin n° 1 du casier judiciaire du compagnon de celle-ci ; que M. X a ainsi manqué à la délicatesse et fait usage, à des fins privées, de pouvoirs qu’il détenait de la loi ;

Considérant qu’en définitive le comportement de M. X a traduit des défaillances déontologiques qui doivent être sanctionnées ;

Par ces motifs,

Émet l’avis que M. X doit faire l’objet de la sanction disciplinaire de la réprimande avec inscription au dossier prévue à l’article 45, 1°, du statut de la magistrature ;

Dit que le présent avis sera transmis à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, et notifié à M. X, par les soins du secrétaire de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet.