Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège
CONSEIL SUPÉRIEUR
DE LA MAGISTRATURE
Conseil de discipline
des magistrats du siège
24 juillet 2014
M. X
FRAPPEE DE POURVOI
DÉCISION
Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni le 9 juillet 2014 à la Cour de cassation comme Conseil de discipline des magistrats du siège, pour statuer sur les poursuites disciplinaires engagées par le garde des sceaux à l’encontre de M. X, juge au tribunal de grande instance de xxxxx, sous la présidence de M. Daniel Ludet, conseiller à la Cour de cassation suppléant le Président de la formation (...)
Vu les articles 43 à 58 de l'ordonnance n? 58 1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ;
Vu l’article 19 de la loi organique n? 94 100 du 5 février 1994 modifiée sur le Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu les articles 40 à 44 du décret n? 94 199 du 9 mars 1994 modifié relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu l’acte de saisine du garde des sceaux, en date du 20 février 2013, dénonçant au Conseil les faits motivant des poursuites disciplinaires à l’encontre de M. X, actuellement interdit temporairement d’exercice des fonctions ;
Vu l'ordonnance du 1er mars 2013 désignant M. Luc Fontaine en qualité de rapporteur ;
Vu le rapport déposé le 2 avril 2014 par M. Luc Fontaine, dont M. X a reçu copie ;
Vu les conclusions déposées le 8 juillet 2014 ;
Vu le rappel, par M. le président, des termes de l'article 57 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée, selon lesquels : «L’audience du conseil de discipline est publique. Toutefois, si la protection de l'ordre public ou de la vie privée l'exigent, ou s'il existe des circonstances spéciales de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice, l'accès de la salle d'audience peut être interdit pendant la totalité ou une partie de l'audience, au besoin d'office, par le conseil de discipline » et la demande en ce sens présentée par M. X, assisté de Maître A ;
Attendu qu’après avoir entendu M. X, assisté de Maître A, au soutien de sa demande de non-publicité des débats, Mme Valérie Delnaud, sous-directrice des ressources humaines de la magistrature, assistée de Mme Hélène Volant, magistrate à cette direction, en ses observations tendant au rejet de la demande, M. X, assisté de Maître A ayant eu la parole en dernier, le Conseil en a délibéré ;
Attendu qu’à la reprise de l’audience, M. X, assisté de Maître A, a été entendu au soutien d’une question prioritaire de constitutionnalité, Mme Delnaud en ses observations tendant au rejet de la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat, M. X, assisté de Maître A, ayant eu la parole en dernier, le Conseil en a délibéré ;
Attendu qu’à la reprise de l’audience et après avoir rejeté la demande de transmission de cette question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat par décision distincte, une copie de la décision ayant été immédiatement remise à M. X et à son conseil, M. X, assisté de Maître A, a été entendu au soutien d’une demande de renvoi ; qu’après avoir entendu Mme Delnaud en ses observations tendant au rejet de la demande, M. X, assisté de Maître A, ayant eu la parole en dernier, le Conseil en a délibéré ;
Attendu qu’à la reprise des débats, après audition de Mme Delnaud et présentation par M. Fontaine de son rapport préalablement communiqué aux parties qui ont acquiescé à ce qu’il ne soit pas intégralement lu à l’audience, M. X, assisté de Maître A, a été entendu en ses explications et moyens de défense et a répondu aux questions posées ; qu’après avoir entendu Mme Delnaud en ses observations tendant au prononcé de la sanction de la révocation, Maître A en sa plaidoirie, M. X ayant eu la parole en dernier, le Conseil en a délibéré ;
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-Sur la procédure
*Sur la demande de non-publicité des débats
Attendu que Maître A demande que l’audience du Conseil supérieur de la magistrature ne se tienne pas publiquement aux motifs que les faits pour lesquels M. X est poursuivi sont essentiellement de nature pénale, qu’ils concernent une information judiciaire en cours et qu’ils comportent de nombreux développements sur la vie intime et personnelle de l’intéressé ;
Attendu, qu’après en avoir délibéré, le Conseil estime que ni la protection de l’ordre public, ni celle de la vie privée de M. X, ni aucune circonstance spéciale de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ne justifient en l’espèce une telle exception au principe de la publicité de l’audience du Conseil ;
*Sur la demande de renvoi
Attendu que Maître A demande au Conseil supérieur de la magistrature d’ordonner le renvoi de l’affaire jusqu’à ce que M. X ait obtenu copie de l’intégralité de la procédure pénale le concernant et qu’il puisse ainsi en prendre connaissance et la communiquer au conseil qui l’assiste dans le cadre de la procédure disciplinaire, afin d’assurer le respect des droits de la défense et du principe de l’égalité des armes garantis par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ; que Maître A expose que M. X, qui a choisi de se défendre seul dans le cadre de l’instruction diligentée à son encontre, s’est vu refuser à plusieurs reprises la consultation du dossier de la procédure et la communication des pièces de l’instruction alors qu’ont été versés à la procédure disciplinaire des rapports relatifs à la procédure pénale engagée à l’encontre de M. X, établis par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de xxxxx et le procureur général près la cour d’appel de xxxxx ; qu’elle invoque en outre la circonstance que M. X, qui s’est vu refuser la délivrance d’une copie de la procédure en violation de l’article 114 du code de procédure pénale modifié par l’article 6 de la loi du 27 mai 2014, a interjeté appel de l’ordonnance du magistrat instructeur ayant refusé cette délivrance ;
Attendu, en premier lieu, que si les faits pour lesquels M. X fait l’objet de poursuites disciplinaires ont également entraîné l’engagement de poursuites pénales et l’ouverture d’une information judiciaire, le dossier disciplinaire soumis à l’examen du Conseil n’est constitué d’aucune pièce de la procédure pénale ;
Attendu, en deuxième lieu, que les rapports dont le versement à la procédure disciplinaire est critiqué par M. X, et qui font état du déroulement de l’information judiciaire suivie à son encontre, ont été régulièrement communiqués à M. X qui a eu la possibilité, tant devant le rapporteur que lors de l’audience du Conseil, d’en discuter les termes ;
Attendu que le 15 mars 2013, le garde des sceaux a ainsi adressé au Président de la formation un rapport du procureur général près la cour d’appel de xxxxx en date du 27 février 2013 relatif à l’information judiciaire ouverte à l’encontre de M. X, transmettant un rapport du 21 février 2013 du procureur de la République près le tribunal de grande instance de xxxxx ; que ces pièces ont été adressées à M. X par une dépêche du 20 mars 2013, laquelle lui a rappelé qu’il pouvait se faire assister par l’un de ses pairs, par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ou par un avocat inscrit au barreau ; que M. X a pris connaissance de ce rapport et de cette transmission le 2 avril 2013 ;
Attendu, en outre, que le 26 novembre 2013, le rapporteur sollicitait du Directeur des services judiciaires « tous éléments utiles sur l’état d’avancement de l’information judiciaire suivie à (l’) encontre (de M. X) », « en vue d’éclairer le Conseil de discipline » ; que le garde des sceaux a, le 29 janvier 2014, versé à la procédure disciplinaire une note du procureur général près la cour d’appel de xxxxx en date du 27 janvier 2014 concernant l’évolution de la procédure d’information judiciaire suivie à l’encontre de M. X ; que cette pièce a été adressée à M. X le 3 février 2014 qui en a accusé réception le 13 février 2014 ;
Attendu, en troisième lieu, que M. X a eu la possibilité de critiquer les termes des rapports ci-dessus et d’apporter tous éléments et moyens utiles à l’appui de sa défense ;
Attendu, en effet, que si, lors de son audition le 16 avril 2013 par le rapporteur, M. X a indiqué ne pas avoir pris connaissance des pièces du dossier disciplinaire aux motifs qu’ un «article de presse du B (ayant) porté atteinte à l’impartialité objective du Conseil supérieur, (il n’avait) pas jugé utile de consulter les pièces du dossier ainsi que (son) dossier administratif », il a cependant, lors de cette audition, contesté une des assertions du rapport du procureur de la République près le tribunal de grande instance de xxxxx du 21 février 2013 ;
Attendu, en outre, que lors de son audition du 25 mars 2014, si M. X a contesté le principe du versement du rapport du procureur général près la cour d’appel de xxxxx du 27 janvier 2014, il a eu la possibilité d’en discuter les termes et de formuler toutes les observations qu’il estimait utile à l’appui de sa défense ; que le procès-verbal d’audition lui a été adressé le même jour et que M. X en a accusé réception le 2 avril 2014 ;
Attendu en conséquence que M. X a reçu communication de l’ensemble des pièces de la procédure disciplinaire et que lui a été rappelé, dès la saisine du Conseil, et, à plusieurs reprises, préalablement à son audition par le rapporteur, son droit à être assisté au cours de la procédure ; que M. X, qui a été entendu par le rapporteur le 16 avril 2013, le 16 novembre 2013 et le 25 mars 2014, puis par le Conseil, lors de l’audience disciplinaire au cours de laquelle il a été assisté par un avocat, a eu la possibilité de discuter contradictoirement l’ensemble des pièces du dossier disciplinaire et donc les rapports du procureur général près la cour d’appel de xxxxx et du procureur de la République près le tribunal de grande instance de xxxxx ;
Attendu qu’il résulte de tout ce qui précède que les droits de la défense ont été pleinement respectés en l’espèce et que, eu égard au principe d’indépendance de la procédure disciplinaire et de la procédure pénale, il n’y a pas lieu pour le Conseil de renvoyer l’examen de cette affaire dans l’attente de l’obtention par M. X de la copie de la procédure pénale ;
*Sur la violation de l’exigence de clarté, de précision et d’intelligibilité de la loi
Attendu, selon M. X, que « l’article 43 alinéa premier de l’ordonnance du 22 décembre 1958 contient une définition totalement imprécise de la notion de faute disciplinaire » ; que la formule selon laquelle « tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire » est contraire à l’article 7 de la Convention européenne « en ce qu’elle porte atteinte au principe de légalité et à l’exigence d’une définition suffisante de la matière pénale, qui englobe selon la jurisprudence de la CEDH la matière disciplinaire, pour définir de manière insuffisante la faute susceptible de justifier la mise en œuvre d’une sanction » ; que « cette imprécision de la définition de la notion de faute disciplinaire constitue par ailleurs une atteinte aux droits de la défense garantis par l’article 6 de la Convention, en ce qu’elle ne permet pas d’assurer une défense utile en l’absence d’une définition précise de la faute disciplinaire » ;
Attendu que l’article 43 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958 dispose que « tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire » ; que les termes par lesquels est ainsi définie pour un magistrat, la faute disciplinaire, est en elle-même suffisamment précise ; qu’en outre cette définition législative a donné lieu au fil du temps, au travers des décisions et avis des formations disciplinaires du Conseil supérieur de la magistrature, à de nombreuses applications à des situations particulières ; que cette jurisprudence du Conseil supérieur de la magistrature et celle du Conseil d’Etat permettent de définir la nature et l’étendue des manquements disciplinaires des magistrats de manière claire, précise et prévisible pour eux et d’en donner des déclinaisons dans des situations concrètes et dans leur contexte ; que cette jurisprudence, systématiquement répertoriée et classée, est rendue accessible chaque année dans les rapports d’activité du Conseil supérieur de la magistrature de même que de manière dématérialisée sur son site où peut être consultée la table analytique de cette jurisprudence ;
Attendu, qu’avant 2012, période au cours de laquelle les faits reprochés à M. X ont été commis, les formations du Conseil avaient fait application de l’article 43 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958 dans des affaires pouvant présenter des similitudes avec les faits reprochés à M. X ;
Attendu que M. X ne peut sérieusement soutenir que la définition de la faute disciplinaire manquerait à l’exigence de clarté, de précision et d’intelligibilité de la loi en matière disciplinaire ;
*Sur l’atteinte aux droits de la défense, au principe du contradictoire, au droit à un procès équitable et à l’égalité des armes
Attendu, selon M. X, que la procédure disciplinaire contrevient aux dispositions de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme aux motifs, d’une part, que la procédure disciplinaire « a été principalement alimentée par deux rapports supposément synthétiques de l’instruction pénale en cours (…) » du procureur de la République près le tribunal de grande instance de xxxxx et du procureur général près la cour d’appel de xxxxx, « c’est-à-dire d’autorités publiques qui ne sont pas des autorités judiciaires (…) en ce qu’elles sont placées hiérarchiquement sous les ordres de Madame le garde des Sceaux, Ministre de la justice, comme l’est d’ailleurs la Direction des services judiciaires en charge de l’exercice des poursuites disciplinaires, laquelle est également placée hiérarchiquement sous les ordres du Ministère de la justice » ; qu’en outre, « M. X qui n’est pas assisté d’un avocat dans le cadre de l’instruction pénale en cours pour avoir choisi de s’y défendre seul, s’est vu systématiquement opposer un refus par le juge d’instruction à ses demandes de consultation du dossier et de communication des pièces de l’instruction » ; qu’enfin, « un arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de xxxxx en date du 19 février 2013, pièce issue du dossier d’instruction pénale a été versée avec une note du Ministère public par la Direction des services judiciaires à la procédure disciplinaire» ;
Attendu que le rapport du procureur général près la cour d’appel de xxxxx en date du 27 février 2013 relatif à l’information judiciaire ouverte à l’encontre de M. X, transmettant un rapport du 21 février 2013 du procureur de la République près le tribunal de grande instance de xxxxx, de même que celui en date du 27 janvier 2014 concernant l’évolution de la procédure d’information judiciaire, ont été adressés à M. X, respectivement le 20 mars 2013 et le 3 février 2014 ; que ces rapports, dont M. X a pris connaissance respectivement le 2 avril 2013 et le 13 février 2014 lui ont au surplus rappelé son droit à être assisté par l’un de ses pairs, par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ou par un avocat inscrit au barreau ;
Attendu, ainsi qu’il a été déjà mentionné, que M. X, qui a reçu communication de ces rapports, a eu à plusieurs reprises la possibilité d’en critiquer les termes et d’apporter tous éléments et moyens utiles à l’appui de sa défense, lors de ses auditions par le rapporteur, notamment le 16 avril 2013 et le 25 mars 2014, et, enfin, lors de l’audience disciplinaire alors qu’il y a été assisté par un avocat ; que M. X a ainsi eu la possibilité de discuter contradictoirement les éléments contenus dans ces rapports ;
Attendu en conséquence que le principe des droits de la défense et le principe du contradictoire ont été pleinement respectés dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte par la saisine du Conseil supérieur de la magistrature ; que le moyen tiré du statut des magistrats du parquet dont relève le procureur général près la cour d’appel de xxxxx et le procureur de la République près le tribunal de grande instance de xxxxx ou de celui de la Direction des services judiciaires est inopérant dès lors que les contenus des écrits en provenance de ces magistrats ou de cette Direction ne lient en aucune manière le Conseil supérieur de la magistrature qui les soumet à un débat contradictoire avant d’en tirer éventuellement des conséquences ; que le versement à la procédure d’un arrêt de la chambre de l’instruction ne contrevient pas davantage aux prescriptions de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme ;
Attendu, au surplus, que le Conseil se fondera dans sa décision sur les seuls éléments dont la matérialité aura été établie au terme des débats conduits devant lui et sans considération de la qualification pénale qui serait susceptible de leur être ultérieurement appliquée ;
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-Sur le fond
Attendu, selon le garde des sceaux, qu’ « indépendamment de l’issue de la procédure pénale dans laquelle M. X est mis en cause, des faits sont d’ores et déjà avérés ou reconnus, qui apparaissent contraires aux devoirs du magistrat », qu’ « il est en effet acquis que M. X, dans le cadre de forums de discussion sur internet, a sollicité des jeunes filles de 12 ou 13 ans, qui se présentaient comme telles, pour avoir des conversations de nature sexuelle et leur demander de se dévêtir devant leur webcam » ; que, selon le garde des sceaux, « un tel comportement, indigne de tout citoyen et davantage encore d’un magistrat, constitue, sans conteste, des manquements à l’honneur, aux bonnes mœurs, à la dignité, à la délicatesse et aux devoirs de l’état de magistrat » ;
Attendu qu’il résulte des pièces de la procédure que le 26 janvier 2012, qu’une jeune fille de 12 ans demeurant sur le ressort du tribunal de grande instance de xxxxx a été surprise par sa famille torse nu face à son écran d’ordinateur ; qu’entendue par les services de police, la jeune fille a expliqué que son correspondant, âgé d’environ une trentaine d’années avec lequel elle était en discussion sur le réseau social C avec sa webcam, lui avait demandé moyennant paiement de la somme de 50 puis 100 euros de se déshabiller devant l’écran ; que les investigations effectuées ont permis d’identifier l’adresse électronique du contact C comme correspondant à celle de M. X ;
Attendu que M. X a, lors de son audition par le rapporteur le 16 avril 2013 et sans que ces éléments soient par la suite remis en cause, reconnu « avoir eu des conversations à caractère sexuel avec des jeunes filles » ; qu’il a précisé qu’ « il est également possible qu (‘il) les ai(t) invitées à se dévêtir devant leur webcam » ; qu’il a déclaré «n’av(oir) pas conscience qu’elles étaient âgées de 12 ou 13 ans », ajoutant qu’il « n’avait(t) aucune certitude sur leur âge d’autant qu’à l’époque (il) étai(t) psychologiquement fragilisé par (s)a situation personnelle et de surcharge professionnelle » ;
Attendu que M. X a contesté avoir proposé le versement d’une somme d’argent et qu’en l’absence d’autre élément, le Conseil ne considère pas cette circonstance comme suffisamment établie ;
Attendu que M. X a contesté « formellement avoir eu des certitudes sur leur âge » ; qu’interrogé par le rapporteur, M. X n’a cependant pas contesté le contenu des fichiers découverts dans son ordinateur, à savoir la découverte de photographies de jeunes filles partiellement dévêtues, de même que des conversations à caractère sexuel sur C avec des jeunes filles qui indiquaient leur âge, à savoir 12 ou 13 ans ; qu’en outre, l’exploitation du matériel informatique de M. X permettait d’établir qu’il choisissait comme critères de recherches, des jeunes filles de 12-13 ans ; qu’à l’audience, M. X n’a pas contesté « ce critère d’âge », tout en indiquant pour sa défense que « ce n’était pas le seul critère » ; qu’il expliquait sur ce point « qu’(il) n’(avait) pas créé de profil » ;
Attendu que, malgré les dénégations de M. X sur la conscience qu’il avait à l’époque de l’âge des jeunes filles avec lesquelles il s’est trouvé en contact, les investigations permettent d’établir que M. X a choisi, dans ses critères de recherche, des jeunes filles de 12-13 ans dans le but d’avoir des échanges de nature sexuelle avec elles par webcam, échanges qu’il lui arrivait d’enregistrer ;
Attendu que ces éléments établissent suffisamment la conscience qu’avait M. X d’entretenir des conversations de nature sexuelle avec des jeunes filles de 12 ou 13 ans ;
Attendu que les agissements de M. X, contraires à l’honneur, constituent des manquements particulièrement graves à la dignité et à la délicatesse et sont incompatibles avec les devoirs de l’état de magistrat, et ce alors même qu’ils ont été commis en dehors du service et sans utiliser les moyens fournis par celui-ci ; que, par leur nature, ils ont porté une atteinte grave et durable au crédit et à l’image de l’institution judiciaire ;
Attendu cependant que M. X a expliqué son comportement par une situation de « burn-out » à la suite d’une surcharge de travail, situation aggravée par une rupture sentimentale ;
Attendu que l’examen psychiatrique de M. X conclut que « le sujet au moment des faits était atteint d’un trouble psychique altérant son discernement du fait de l’existence de troubles névrotiques et d’un syndrome d’épuisement professionnel amenant une régression affective notamment » ;
Attendu que l’expert précise que M. X « reste dangereux actuellement s’il est replacé dans des fonctions comparables avec une dimension associée de surcharge de travail d’autant plus s’il associe à son travail ordinaire une masse de travail d’autre ordre amenant un déséquilibre de son mode de vie » ; qu’ « au moment des faits, il était atteint de cette dépression masquée et son discernement était altéré ainsi que le contrôle de ses actes mais non abolis. Il continuait de pouvoir percevoir le caractère transgressif de sa conduite et aurait pu aussi entamer une démarche de soins ou solliciter un changement d’affectation » ; qu’il y a lieu pour le Conseil de tenir compte de cette situation et du contexte professionnel pour ne pas prononcer la sanction la plus élevée, prévue à l’article 45 7° de l’ordonnance statutaire, de la révocation ;
Attendu que les agissements de M. X imposent néanmoins de l’écarter définitivement de l’exercice de toute fonction judiciaire ; qu’au regard des éléments de l’expertise psychiatrique, il y a lieu de prononcer à son encontre la sanction d’admission à cesser ses fonctions.
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PAR CES MOTIFS,
Le Conseil, statuant le 9 juillet 2014, et après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur ;
Statuant en audience publique le 9 juillet 2014 pour les débats et le 24 juillet 2014 par mise à disposition de la décision au secrétariat général du Conseil supérieur de la magistrature ;
Dit n’y avoir lieu à faire droit à la demande de non-publicité des débats ;
Rejette la demande de renvoi présentée ;
Prononce à l’encontre de M. X la sanction d’admission à cesser ses fonctions, prévue à l’article 45 6° de l’ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 ;
Dit que copie de la présente décision sera adressée au premier président de la cour d’appel de xxxxx.