Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège
Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni à la Cour de cassation comme conseil de discipline des magistrats du siège, pour statuer sur les poursuites disciplinaires engagées par M. le premier président de la cour d’appel de … et par M. le garde des sceaux, ministre de la justice, contre M. X, juge au tribunal de grande instance de …, sous la présidence de M. Jean-François Weber, président de chambre à la Cour de cassation suppléant le premier président de la Cour de cassation empêché, […] ;
Vu les articles 43 à 58 modifiés de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;
Vu les articles 18 et 19 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, modifié par la loi organique n° 001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu les articles 40 à 44 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994, relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu la dépêche de M. le premier président de la cour d’appel de … du 27 septembre 2006, dénonçant au Conseil supérieur de la magistrature, statuant comme conseil de discipline, des faits motivant des poursuites disciplinaires à l’encontre de M. X, juge au tribunal de grande instance de …, ainsi que les pièces jointes à cette dépêche ;
Vu à la décision prise le 16 octobre 2006 par le Conseil supérieur de la magistrature, interdisant temporairement à M. X l’exercice des fonctions de juge au tribunal de grande instance de … jusqu’à décision définitive sur les poursuites disciplinaires ;
Vu la saisine de la formation du siège du Conseil supérieur de la magistrature du 23 novembre 2006 de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, adressée à M. le premier président de la Cour de cassation, président de la formation du Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège ;
Vu les dossiers disciplinaire et administratif de ce magistrat mis préalablement à sa disposition ;
Sur le rapport de M. Luc Barbier, désigné par ordonnance du 17 octobre 2006 de M. le premier président de la Cour de cassation dont M. X a reçu copie ;
Après avoir entendu M. Léonard Bernard de la Gatinais, directeur des services judiciaires du ministère de la justice, assisté de Mme Florence Butin, magistrate à l’administration centrale du ministère de la justice, et M. Barbier donné lecture de son rapport ;
M. X a précisé avoir sollicité l’assistance de Maître …, avocat au barreau de … constitué dans la procédure pénale en cours, ce conseil lui ayant assuré ne pouvoir l’assurer de sa présence à l’audience disciplinaire en raison d’engagements antérieurs ; cet avocat ne s’étant pas présenté, M. X a alors déclaré accepter de comparaître sans l’assistance d’un conseil, et a été entendu en ses explications ;
M. Bernard de la Gatinais a demandé le prononcé de la sanction de mise à la retraite d’office ;
M. X a exposé ses moyens de défense sur les faits qui lui sont reprochés et a eu la parole en dernier ;
Attendu que M. X est poursuivi pour un ensemble de faits qualifiés, selon les actes de saisine, d’une part de « contraires à l’honneur et à la dignité d’un juge, de manquements graves aux obligations du serment qu’il a prêté », et d’autre part « d’absence du sens des responsabilités » ;
Attendu qu’à la suite d’une opération de démantèlement des sites internet diffusant, moyennant paiement en ligne, des images à caractère pédo-pornographique, les enquêteurs établissaient que M. X, juge au tribunal de grande instance de …, avait, courant 2002, au moyens de ses cartes bancaires, visionné et enregistré des images à caractère pédo-pornographique provenant des sites étrangers démantelés ; que la perquisition effectuée à son domicile permettait de découvrir 6 CD roms de deux ordinateurs contenant de très nombreux fichiers pédo-pornographiques téléchargés en 2002, au premier trimestre 2003, en août 2004 ainsi que les 12 et 14 août 2006 ;
Attendu que M. X ne conteste pas avoir consulté sur internet, au moyen de ses cartes bancaires, par milliers, des clichés pornographiques de différentes natures mettant notamment en scène des mineurs, et les avoir enregistrés ; que ces faits font d’ailleurs l’objet de poursuites pénales actuellement en cours devant le tribunal de … ; que M. X a reconnu ces faits à l’audience ;
Attendu, par ailleurs que M. X a siégé au tribunal correctionnel de … le 13 mars 2006 comme assesseur dans une procédure de nature pédo-pornographique trouvant son origine dans la même enquête, sans se déporter lorsqu’il a constaté que son propre nom figurait avec son adresse et les coordonnées de ses cartes bancaires, comme celui du prévenu, dans la liste des sites interdits ;
Attendu qu’il résulte de ces faits que le voyeurisme sexuel par la voie informatique, concernant des sévices subis par des mineurs constitue pour M. X un manquement à l’honneur et à la dignité ;
Que le fait de ne pas se déporter lors de l’examen d’une affaire pénale dans laquelle le magistrat est nommément cité comme utilisateur d’un site pédo-pornographique constitue une totale absence de sens des responsabilités pour un juge et une violation caractérisée de son serment ;
Attendu que le parcours professionnel de M. X dénote des faiblesses certaines ; que l’intéressé admet une appétence excessive pour l’alcool qui a été à l’origine d’un congé de longue maladie de six mois suivi d’un mi-temps thérapeutique de trois mois en 1997, et d’un accident de la circulation sous l’empire d’un état alcoolique en 2001 pénalement sanctionné et suivi d’une prise en charge médicale qu’il a abandonnée en considérant qu’elle ne lui apportait rien ;
Attendu que l’expert psychiatre commis par le rapporteur du Conseil supérieur de la magistrature souligne que M. X présente une attitude de prestance défensive préjudiciable à son contact et au retour sur lui-même, et que ces éléments constituent des explications psychologiques plus qu’un trouble neuropsychique au sens de l’article 122-1 du code pénal même si à l’audience, M. X produit un certificat médical du 2 avril 2007 du même expert, attestant de sa volonté d’une prise en charge thérapeutique ;
Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que M. X n’est plus en mesure d’exercer des fonctions de magistrat, ce qui implique que soit prise la sanction de la révocation de ses fonctions sans suspension de ses droits à pension ;
Par ces motifs,
Statuant en audience publique le 4 avril 2007, pour les débats et le 11 avril 2007, date à laquelle la décision a été rendue,
Prononce à rencontre de M. X, juge au tribunal de grande instance de …, la sanction de la révocation sans suspension de ses droits à pension, prévue à l’article 45, 7° de l’ordonnance susvisée du 22 décembre 1958.